Dans le Bulletin de la société académique de Brest de 1870, on trouve tout un chapitre le concernant. Dans ce chapitre, un passage le décrit comme un personnage haut en couleurs, loin de l'image d'Epinal du missionnaire humble et dévoué que présente l'abbé Foulquier :
" M. le comte de la Tour, était un petit vieillard profondément anémié, nerveux et très-irrascible. Voûté, et très maigre, il avait les jambes couvertes de cicatrices, le teint blême, jaunâtre, les cheveux blancs et rares, l'œil noir, vif et scrutateur. Me parlant de son antique lignée : J'appartiens, me dit-il, en se redressant fièrement, à la plus haute noblesse du midi de la France. Je me nomme le comte Urbain Florit de la Tour! Dieu et mon Roi, voilà ma devise, celle de mes aïeux! Mon Roi est dans l'exil, et moi dans cet Archipel, où je consacre humblement ma vie à apprendre à lire le latin, à écrire et à compter, à tous les pauvres enfants des Gambier."
On le trouve cité encore dans le livre de Paul Deschanel de 1888 : Les intérêts français dans l'Océan Pacifique racontant l'installation de la mission dans l'archipel :
A partir de cette époque, la mission s'implanta définitivement dans l'archipel : alors arrivèrent de France M. Rochouse, évêque de Nicopolis; les PP. Cyprien Liausu, Armand Chosson, Guillemard; un frère lai, le vicomte Urbain Florit de La Tour, et deux habiles ouvriers, les frères Gilbert Soulié et Fabien (1836). La mission fut établie sous l'invocation de Notre-Dame de la Paix.
Plus contemporain, sur le site de la Paroisse de la Cathédrale de Papeete, un article et une intéressante bibliographie lui sont consacrés :
LATOUR DE CLAMOUZE Comte Alphonse de (Fr Urbain, s.s.c.c.)
LATOUR DE CLAMOUZE, comte Alphonse de (Frère Urbain). 1794-1868. - Frère coadjuteur de la congrégation des Sacrés-Cœurs de Picpus. Né le 7 octobre 1794 à Meyrueis (Lozère) d'une famille noble ruinée par la Révolution. Son père est percepteur à Florac. Elevé par les Pères des Sacrés-Cœurs à Mende, il rentre dans la congrégation, mais n'y fera jamais de vœux, restant dans la classe « des frères donnés ». Enseigna à Mende. Mgr Rouchouze* de passage en France l'entraîne avec lui. Il part aux Gambier en 1835 et y arrive, par la Delphine, avec l'évêque, le 9 mai 1835. Instruit, organisateur, habile de ses mains, totalement dévoué à la mission, le Frère Urbain lui rendra de grands services. Il établira des ateliers de filature, de tissage et de confection ; apprendra aux femmes à tricoter. Aidera les Frères Gilbert Soulié*, Fabien Costes" et M. Henry* dans leurs importants travaux de construction. Il a apporté une « presse lithographique » dit un document contemporain. Une lettre du Père Laval* dit même « typographique ». « M. Urbain s'est mis à l'oeuvre, il a disposé son imprimerie, aidé de deux jeunes indigènes. Il débute par un petit in-8° qui renfermera, outre la doctrine chrétienne, les prières de la messe, les vêpres et les complies. Malheureusement nous n'avons que très peu de papier. Et je ne sais comment nous pourrons nous procurer celui qui nous sera nécessaire. » Mais c'est surtout comme enseignant que le Frère Urbain rend les plus signalés services. Il a installé à Aukena une école « dont le but principal était de former des instituteurs, des catéchistes et surtout des prêtres. Ces enfants, du moins les plus intelligents, devaient par conséquent étudier le latin et les parties les plus importantes de notre enseignement secondaire... Ces enfants s'entretenaient toujours en français entre eux… leurs phrases ne sont pas toujours irréprochables mais la prononciation est excellente... vous ne sauriez croire combien il a fallu d'efforts et de patience à M. de la Tour pour en arriver là » (mai 1851). Le Frère Henry faisait aussi fonctions de médecin et d'infirmier. C'était un homme cultivé et curieux. Dès 1838 il avait remis à Dumont d'Urville une « petite collection de coquillages » et un « vocabulaire assez complet de 700 ou 800 mots très précieux pour mes études de philologie océanienne ». Il mourut impotent à Mangareva, le 2 août 1868. Les indigènes disaient : Ko tura anake : La Tour n'a jamais eu son semblable ! Il est enterré sous une inscription latine dans l'église Saint-Michel de Rikitea.
Bibliographie. - L'auxiliaire de la mission de Gambier ou M. de La Tour de Clamouze (Annales de la Congrégation des Sacrés-Cœurs, t. 6, Paris, 1880, p. 385-397,497-509). - Notice au sujet du comte Alphonse de Latour de Clamouze, en religion Frère Urbain, coadjuteur « donné » de la Congrégation des Sacrés-Cœurs, Mende, 1897,25 p., 22 cm. Notice d'abord parue dans la Semaine Religieuse de Mende. P. A. Lesson, Voyage aux îles Mangareva, Rochefort, 1845, a laissé, p.28 et sv. un amusant portrait de M. de Latour « linguiste, imprimeur, botaniste et lanceur de montgolfières ». Voir également H. Laval, Histoire de Mangareva. Ere chrétienne, 1966.