Un arbre en Lozère ... et ailleurs

U comme l'Unique fusillé de Lozère

Le 24/11/2022 0

Dans La Lozère

Le nombre de soldats français condamnés à mort et fusillés pendant la Grande Guerre pour abandon de poste, désobéissance et autres crimes est généralement estimé à environ 650, ce qui représente une infime partie des 8 millions d’hommes incorporés dans l’armée française (moins de 1 pour 10 000). Néanmoins, ces exécutions ne sont pas un point mineur de l’histoire du conflit. Un siècle après la fin de la guerre, dans certaines familles, le souvenir d’un arrière-grand-père ou d’un arrière-grand-oncle fusillé par un peloton d’exécution reste encore une blessure ouverte.

Nous allons suivre ici le parcours d'une forte tête, Emile Ferdinand ROUX

Emile Ferdinand est né à Montredon, hameau du Pompidou, le 15 aout 1885. Il est le premier enfant de Henri Ferdinand et Marie Louise Chapbal. Ses parents s'étaient mariés à Barre-des-Cévennes l'année précédente. L'écart d'âge entre ses deux parents était très importante : Henri Ferdinand était né en 1840 et la jeune Marie Louise en 1869 ; elle n'avait que 16 ans à la naissance de son premier enfant. Une petite soeur, Marie Vise Louise (prénom original !) nait en 1887 puis je perd leur trace. Sont-ils partis dans le Gard à cette époque ? Peut-être ...

Nous retrouvons notre soldat à Saint-Hilaire de Brethmas en 1905.

Une forte tête !

Lors de son recensement en 1905, Emile Ferdinand habite Saint-Hilaire de Brethmas. Il y est maçon. Sa fiche matricule le décrit ainsi : "Cheveux et sourcils noirs, yeux châtains, front découvert, nez gros et mince (!!), bouche petite, menton rond, visage ovale, degré d'instruction 3". Il était assez grand, mesurant 1,72 m.

A partir de 1904, la liste des condamnations le concernant est impressionnante :

Condamné le 13 mai 1904 par le Tribunal d'Alais à 4 mois de prison avec sursis pour vol ; Condamné le 10 août 1906 par le Tribunal d'Alais à 3 mois de prison pour violation de domicile. Placé dans les délais du 6 octobre 1906. Incorporé au 40e RI en novembre 1906. Soldat de 2ème classe le dit jour. Manquant à l'appel du soir du 17 juillet 1907. Déclaré déserteur le 24 juillet 1907. Ramené au corps par la gendarmerie le 30 octobre 1907. Sodat de 2ème classe le dit jour. Rayé de l'effectif le 3 juin 1908 par application du service courant.

Condamné par le Conseil de Guerre de la 15e Région le 6 décembre 1907 à la peine de deux ans de prison pour désertion à l'intérieur en temps de paix (circonstances atténuantes admises). Jugement exécutoire du 4 juillet 1908  pour compter du 29 octobre 1907. Gracié du restant de sa peine le 29 juillet 1909 et placé au 58e RI le dit jour. Incorporé au  58e RI à compter du 29 juillet 1909. Passé au détachement des Compagnies de disciplines d'Oléron. Rayé des contrôles le 6 octobre 1909.

Incorporé à la 2e Compagnie des fusiliers de discipline (Détachement d'Oléron) à compter du 29 octobre 1909. Passé à la section de transition le 1er avril 1910. Réintégré à la section des fusiliers le 25 avril 1910. Passé à la 1ère Compagnie de discipline le 6 juin 1910. Passé le 1er octobre au 6e RI (Section spéciale de répression). Condamné le 1er juin 1911 par le Conseil de Guerre de la 18e Région à la peine de 2 ans de prison pour s'être rendu coupable d'outrages envers un supérieur pendant le service. Passé le 1er juillet 1912 à la section de répression D du 123e RI comme soldat en détention. Libéré de sa peine le 1er avril 1913 et passé dans la réserve de l'armée active. Certificat de bonne conduite refusé.

Notre forte tête aura donc passé la majeure partie de son service militaire en détention, essentiellement au "bagne militaire de la citadelle d'Oléron".

Citadelle Oléron

Ces unités de répression, où les conditions de vie étaient épouvantables, étaient destinées à "faire rentrer dans le rang" les soldats coupables de désertion, refus d'obéissance ou de divers autres délits.
Diverses sanctions, brimades et tortures étaient infligés aux malheureux récalcitrants ; je citerai comme exemple "la crapaudine", sorte de moyen de contention qui obligeait les détenus à ramper sur le ventre ...

La crapaudine

Les pouces étant ferrés derrière le dos, l’homme est abattu par terre et les chevilles sont ligotées ensemble et rattachées, non pas aux poignets comme dans la crapaudine ordinaire, mais à l’anneau spécial que portent les poucettes à leur extrémité : de sorte que, de quelque façon que l’homme se place, en plus de la pression exercée sur eux, ses pouces subissent une traction constante, car les jambes, repliées en arrière font ressort.

Le croquis ci-contre permet de se rendre compte de la position : l’homme supplicié la garde parfois une journée entière. Pour les repas et les besoins naturels, les choses se passent ainsi que nous l’avons dit précédemment, aggravées par la complication de la position.

 

Pour de plus amples renseignements, lire l'article de la Revue Blanche (Wikisource) : Les corps disciplinaires  - la revue blanche 01 avril 1901Les corps disciplinaires - la revue blanche 01 avril 1901 (391.19 Ko)

Son entrée en guerre

Rappelé à l'activité par le décret de mobilisation du 2 aout 1914, Emile Ferdinand est tout d'abord dirigé vers le 3ème RI, puis passe au 111ème RI le 26 juillet 1915. D'après le site chtimiste, ce régiment était cantonné toute l'année 1915 dans les environs de Verdun : Bois de Malancourt, forêt de Hesse, Avocourt, les Rieux.

Notre soldat s'insurge alors contre les ordres. Les faits qui lui sont reprochés sont datés des 29 et 30 aout 1915. Condamné à la peine de mort avec dégradation militaire par le Conseil de Guerre de la 29e division séant à Dombasle le 5 octobre 1915 pour : ivresse publique et manifeste, outrages par menaces envers un supérieur à l'occasion du service. Vol militaire. Refus d'obéissance pour marcher à l'ennemi et refus d'obéissance. Le dit jugement a reçu son exécution le 6 octobre 1915 ; jour où le condamné a été passé par les armes devant les troupes rassemblées à Dombasle.

Les pièces complètes de son parcours militaire et de son procès sont disponibles sur sa fiche GENEANET.

Conseil de guerre Emile Roux

Pour aller plus loin

GUILLOT Olivier, PARENT Antoine, « Les fusillés de la Grande Guerre sont-ils morts au nom de leurs idées pacifistes ? Une approche quantitative », Revue de l'OFCE, 2021/1 (171), p. 135-159. DOI : 10.3917/reof.171.0135. URL : https://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2021-1-page-135.htm

TV5 Monde : Cent ans après, la voix des fusillés de la Grande Guerre

Ministère de l'Education Nationale : Les fusillés de la Grande Guerre

 

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