Le document ci-contre est extrait de "Histoire de Séverac le Château" par l'abbé François Julien, disponible sur Gallica.
Le récit donné par Hippolyte de Barrau (référence mentionnées plus haut), est sensiblement le même :
Le 14 septembre 1793, à huit heures du soir, il (Gaspard Sigaud) revenait de voyage. A peine entré dans son domicile, il avait embrassé sa mère, qu'on frappe à la porte à coups redoublés, demandant à parler au maire (son frère cadet).
La maison de Favars est solitaire, dans l'angle de deux montagnes couvertes de bois épais qui la ceignent et la dominent. C'était un soir de foire. Un domestique, pris de vin, allait joyeusement ouvrir ; la servante Anne Causse le retint, le repoussa de la porte et même, par une sorte de pressentiment, courut avertir ses maîtres. La fatalité voulut qu'en ce même instant, un autre domestique arrivât dc dehors. A sa voix, la porte s'ouvre, et soudain une troupe armée s'élance et atteint la porte intérieure au moment où la servante fugitive la fermait sur elle. Un faible verrou a bientôt cédé à des efforts impétueux. Les domestiques, glacés d'effroi, restent immobiles ; le tumulte était parvenu au salon. Sigaud se lève et se présente, un flambeau à la main ; il est accueilli par des menaces et des violences. Son frère, le voyant frappé d'un canon de fusil, veut lui faire un rempart de son corps, et reçoit à bout portant deux coups de pistolet dans Ie flanc gauche. ll tombe, et se traine pourtant jusqu'à la chambre où il s'évanouit.
Au même instant, le plus apparent de la troupe se tourné vers l'ainé dont la contenance imposante et calme semblait suspendre les coups, et s'écrie d'une voix forte : "Feu ! Feu !" Deux coups de fusil partent, l'atteignent à la poitrine : il tombe mort. Vingt domestiques étaient comme anéantis la face contre terre. Un seul s'élance vers le salon, c'était Anne Causse. En vain on la repousse, elle se jette sur son malheureux maitre, fendant l'air de ses cris. Les meurtriers l'en arrachent, mais elle leur échappe encore lorsqu'elle voit sa maitresse menacée, et, lui faisant un rempart de son corps, elle supplie, conjure d'emporter tous ses biens, mais d'épargner sa vie. Un si généreux dévouement méritait de passer à la postérité.
Cependant les assaillants, entrainés par l'ardeur du pillage, quittent ces infortunés pour fouiller la maison. Anne Causse profite d'un moment d'absence, met la tête à une fenêtre, fait signe à sa maitresse, et, sans hésiter, Mme Sigaud, âgée de 67 ans, se jette à dix pieds d'élévation sur le pavé de la cour. Sa servante la suit, la relève, mais elle chancelle : elle vient se se fracturer un pied. N'importe, elle se traine dans une petite grange au coin de la basse-cour. Se souvenant bientôt qu'on avait parler d'incendier la maison, les deux fugitives sortent de cette retraite par une petite porte qui donnait en dehors. A peine ont-elles fait cent pas en se trainant péniblement, qu'elles entendent la voix de ceux qui gardaient les avenues. Elles se croient découvertes. Tremblantes, elles franchissent les murs du jardin. Les efforts de Mme Sigaud étaient à bout, la douleur l'empêche d'avancer. Anne Causse ne balance pas à la charger sur ses épaules, et, courbée, faiblissant à chaque pas sous le fardeau que soutient son dévouement, elle parvient, excédée de fatigue, sur le bord d'un ravin au fond duquel elle dépose sa maitresse, la couvre de feuilles sèches et court au village de Lavergne appeler du secours.
Pendant ce temps, la horde, chargée de butin, se disposait à mettre le feu, lorsque deux de ses gens effarés viennent lui donner avis de l'évasion des deux femmes. Cette nouvelle trouble les bandits, ils se groupent, délibèrent à voix basse, et bientôt défilent en silence. Ainsi se termine cette épouvantable scène.