L'après-midi du 3 décembre 1943, un dense brouillard s'abat sur le terrain de jeu où quelques prisonniers s'échauffent en se faisant quelques passes de ballon. Soudain, tout s'efface, tout est noyé dans le coton, les bruits s'amenuisent et les miradors disparaissent. Aussitôt, les huit copains, à l'impromptu et sans s'y être préparés, escaladent les poteaux qui soutiennent les barbelés et se retrouvent libres. Parmi eux, bien entendu, Émile Aigouy. Trois d'entre eux : Léon Fallon, Robert Carer et Georges Botet, échapperont aux recherches et réussissent à rejoindre la France. Les autres, dont notre héros, sont repris.
Et c'est de retour au camp, qu'Émile, ayant perdu ses papiers et s'assurant que Fallon n'avait pas été repris, décline au culot son identité : "Lieutenant Léon Fallon matricule 3995 de la B7".
Pourquoi ?
Émile n'en était pas à sa première tentative d'évasion, mais à sa troisième. Déjà passé en conseil de guerre en novembre 1943, il avait écopé d'une peine d'un an de prison qu'il attendait de purger. Une autre tentative aurait été bien plus sévèrement punie. Par contre, Léon Fallon n'en était qu'à sa première tentative. La punition fut plus légère : quelques semaines au cachot et notre Émile Aigouy-Fallon reprend sa place incognito parmi ses copains qui, évidemment, jouent le jeu.
Comment le sait-on ?
Le frère d'Émile, Armand del Fabre, était interné au Stalag XI A. Son meilleur ami, Louis Caubel, également. Sans nouvelles de son frère depuis début décembre 1943, il voit son ami Louis recevoir une lettre en février 1944. Cette lettre, écrite de la main d'Émile, est sous la couverture suivante : "Lieutenant Léon Fallon, n°3996, Oflag XC adressée à Caubel-Fallon, n°9376, Stalag XI A"
Evidemment, le nom d'Aigouy ne devait pas apparaitre dans la correspondance, la référence à un soi-disant évadé était trop dangereuse. Les nouvelles se sont ainsi transmises entre les deux frères jusqu'en avril 1944.