Un arbre en Lozère ... et ailleurs

Semaine 15 : Ma grand-tante Blanche

Le 10/04/2022 0

Dans La Lozère

Blanche Vaudevire est la tante de mon père. C'est une femme exceptionnelle qui a fêté ses 103 ans en février dernier. J'ai eu l'honneur d'être invitée à la fête donnée pour ses 100 ans en 2019, ce qui m'a permis de faire connaissance avec toute une partie de la famille. J'ai voulu lui rendre hommage au travers de cet article et au hasard des documents trouvés dans la presse.

Née le 7 février 1919 à Ouistreham, Blanche Vaudevire épouse mon grand-oncle Denis en 1947, après la guerre. Il est veuf et est père de deux garçons. Mon grand-père Justin est présent sur la photo, en uniforme s'il vous plait ! Le mariage a eu lieu à Ouistreham, sacrée distance depuis Rodez ! Il parait que ma grand-mère n'a pas du tout apprécié d'avoir été laissée à la maison pour garder les enfants ...

Denis et Blanche se sont installés dans la région de Lyon et ont eu deux filles. 

Denis, atteint de problèmes cardiaques, est décédé à Caen, où la famille passait ses vacances, le 7 juillet 1976. Il avait 70 ans. 

Blanche pendant la guerre

Liberté - Article du 30 juillet 2016

A 97 ans, Blanche Boulet, secouriste après le D-Day retourne près de Caen au poste de secours

Blanche Boulet dite « Blanchette », 97 ans, est revenue dans la maison qui a servi de poste de secours suite au Débarquement située au 8, rue Gambetta à Ouistreham.

Blanche Boulet dite « Blanchette », a vécu 63 jours auprès d’un médecin et d’une autre secouriste dans  la maison « L’accalmie » qui a servi de poste de secours suite au Débarquement située au 8, rue Gambetta à Ouistreham. L’Accalmie est ornée d’une plaque commémorative depuis la commémoration du 60e D-Day.

Blanche a la mémoire intacte et livre avec émotion ce qu’elle a vécu pendant 63 jours dans cette maison. Durant la guerre, il était prévu qu’un poste de secours soit construit pour le Dr Charles Poullain, âgé de 73 en 1944. Le 1er poste tout équipé se situait près des écoles actuelles. Bombardé et donc détruit, il a fallu réquisitionner une maison : « L’accalmie » fut alors choisie. Son objectif était de recevoir les soldats blessés et aussi les civils. Le Dr Charles Poullain de Ouistreham, avait avec lui deux secouristes dont Blanche Boulet qui travaillait en boulangerie et Paule Gérandier. Toutes deux ont aidé pendant 63 jours le Dr.

Il a fallu tenir le choc en soignant tous ces grands blessés.

Blanche est revenue dans cette maison récemment : « ça fait 72 ans que je n’ai pas dormi dans cette maison et ce matin au réveil, j’ai vu encore les brancardiers arriver ».

Blanche est née à Ouistreham près du cinéma Le Cabieu. Son père était marin pêcheur. Blanche s’est mariée avec un Lyonnais et vit depuis à Lyon.

Lorsqu’on lui demande ce qui l’a le plus marqué, Blanche explique : « J’ai des souvenirs très émouvants. Quand je suis arrivée dans la maison il était 6 h 30 ce 6 juin 1944. Après les bombardements du port ou nous avons eu 23 morts, 18 grands blessés sont arrivés par nos brancardiers. Pour tous ces hommes soldats et civils aussi, devant ces affreuses plaies de guerre, c’était très dur pour nous, et nous n’étions que 2 secouristes les autres ayant fui Ouistreham. Nous avons eu un blessé mort de la gangrène et le Dr Poullain craignait que tous les autres y passent. Devant ce cauchemar, j’ai eu une crise de larmes. Le Dr savait que j’avais besoin de pleurer. Ce qui était dur, c’est que la plupart étaient des gens que je connaissais et voir toute une famille décimée me faisait souvent craquer. Nous étions de plus isolés puisque Caen n’avait été libéré que le 19 juin. Un médecin anglais est venu et a emmené les grands blessés en Angleterre sur un bateau Hôpital. Nous gardions seulement les blessés légers. »

Un message de paix

Aujourd’hui Blanche livre un message de Paix : « Quand on voit toutes les atrocités et tous ces cimetières de soldats, tant de sang coulé, tant de larmes versées par les mères et partout ces jeunes qui partaient et qui étaient encore des gamins pour la plupart. Mon espoir c’est que cela dure et qu’on ne revoit plus ces guerres. Malheureusement il y en a d’autres ailleurs différentes. »

Ouest France - Article du 15 aout 2019

Héros du D-Day

Blanche Boulet 20190815

Avant le 6 juin 1944, j’étais caissière à la boulangerie Bureau à Riva. La Croix Rouge de Caen nous donnait des cours de secourisme en mars et avril. Le 5 juin, à 23 h, de nombreux avions sont passés. Peu après, ils sont repassés, nous semblant allégés. Toute la nuit, nous avons entendu les bombardements sur la côte vers l’ouest. Les avions passaient encore dans l’aube naissante, je n’ai pas beaucoup dormi.

Le 6 juin, soudain, je vois une fusée verte sur le port. Alors a commencé un bruit infernal. La marine anglaise tirait des obus sur le port et notre maison tremblait. Après un moment de répit, mes parents et moi avons couru à la ferme de L’Abbaye où il y avait une tranchée. Elle était pleine, les gens priaient. On me dit avoir vu des troupes aéroportées anglaises qui tenaient les ponts de Bénouville et Ranville. Quatre bombardements avant le Débarquement avaient fait un grand nombre de victimes. Notre poste de secours était sous les écoles, bombardées dès le 2e raid. Il était désormais situé dans une maison proche de la mairie. Rien que sur le port, on a compté 23 morts et 17 grands blessés. Des gens que je connaissais…

J’ai surmonté ma peine et comme un automate, j’ai nettoyé et pansé toutes ces plaies affreuses sous le fracas de l’artillerie. Avec Paule Gérandier, sage-femme, nous avons soigné sous la direction du Dr Charles Poulain, 73 ans. Nous allions chercher l’eau au puits, il n’y avait plus d’électricité. Il y avait eu beaucoup de monde aux cours de secourisme, mais nous n’étions que deux ce jour-là. Vers 8 h, Charles Lefauconnier, maire, nous annonce : « Le Débarquement est en cours. La mer est noire de bateaux. » Un premier blessé arrive peu après, un nommé John, puis deux autres. « What’s your name ? » demande le docteur. « Mais nous sommes Français du Commando Kieffer… » 

Toute la journée, nous avons soigné civils et militaires. Le soir après le décès d’un grand blessé, une violente crise de larmes a calmé un peu ma tension. Les copains me disaient : « Ne pleure pas Blanchette… » Le docteur leur a dit : « Laissez-la, elle en a bien besoin… »

Blanche a écrit son autobiographie "LES LIENS DE MA VIE", livre qu'elle nous a remis lors de la fête donnée pour ses 100 ans. Elle y évoque son enfance, sa vie d'infirmière pendant la guerre, sa vie de femme mariée avec ses joies et ses douleurs. 

Livre BlancheElle évoque également sa très riche vie associative, poursuivie jusqu'à très tard, qui force l'admiration. Les visites en Lozère ne sont pas oubliées, avec notamment un périple Lyon Drigas à vélo !! ce qui représente quand même 272 km et pas des kilomètres tout plats !

Ce voyage à vélo avait été prévu pour une réunion de famille en aout 1949, à la suite du décès de la mère de Denis, mon arrière-grand-mère Nathalie Avesque.

En voici un extrait ci-contre.

Blanche a reçu la Légion d'Honneur l'année de ses cent ans. La SMLH lui a consacré un article à cette occasion.

SMLH-article Blanche Boulet 8 mai 2019SMLH-article Blanche Boulet 8 mai 2019 (748.54 Ko)

Nous enfourchons nos vélos direction Florac en passant par le col du Perjuret où, dans une ferme, j'ai osé demandé de l'eau et bien il n'y en avait pas !
Enfin, dernière étape, Gatuzières, nous sommes heureux d'arriver chez nos hôtes Léon et Marcelle et, dès le lendemain, nous assistions de la maison à un important feu de forêt qui ravageait un bois.

Marie, ma belle-soeur religieuse, nous avait rejoints chez son frère Léon à Gatuzières près de Meyrueis par ses propres moyens et devait repartir le lendemain pour Drigas. Elle a profité de mon vélo pour descendre à Meyrueis afin de prendre le car qui traversait le Causse Méjean jusqu'à Sainte Enimie. Et j'ai bien ri car j'avais l'impression qu'elle volait au vent avec sa coiffe de "cornette à deux ailes" empesée que portaient les Bonnes Soeurs et Denis, avec moi comme passagère sur le porte bagages, dévalant la pente à sa suite. [...]

De Meyrueis, nous attaquons la montée très raide, traversons le Causse Méjean jusqu'à Sainte-Enimie puis longeons les superbes Gorges du tarn où nous avons pu, losque nous le souhaitions, faire une pause pour admirer ces panoramas grandioses jusqu'à la commune dite "Le Rozier".
A cet endroit, nous empruntons les sauvages Gorges de la Jonte qui fascinent par leurs canyons spectaculaires et les vues imprenables sur les Grands Causses et les Cévennes pour revenir à Gatuzières.

Dès le lendemain, une réunion de famille était prévue à la ferme familiale de Drigas.

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