Un arbre en Lozère ... et ailleurs

R comme Pierre ROUX, de Châteauneuf-de-Randon

Le 21/11/2022 0

Dans La Lozère

La lettre R nous conduit à Châteauneuf de Randon, au nord du département de la Lozère, où vivait la famille Roux. C'est au travers d'un ensemble de documents numérisés aux Archives Départementales que nous découvrons le parcours de ce soldat, Marie Pierre Hyacinthe ROUX.

Le bourg de Châteauneuf de Randon se situe à proximité de la N88, entre Mende et Langogne. Le nom de Châteauneuf vient du château de Philippe de Randon. L’histoire raconte que, au retour d’une croisade, le baron retrouva son château détruit. Il décida d’en construire un nouveau encore plus impressionnant. Le château « neuf », dont il subsiste la tour des Anglais, prend la place ainsi du château « vieux ».
Le village est étroitement associé à la figure de du Guesclin, le célèbre connétable breton du roi Charles V chargé de chasser les Anglais du sud du royaume de France. Durant l’été 1380, il fit le siège de la forteresse de Châteauneuf, occupée par des routiers à la solde des Anglais. Après deux semaines de siège, les Anglais se rendent.
Plusieurs monuments ont été érigés au cours du XIXe et du XXe siècles afin de lui rendre hommage : un mausolée en bas du village, une statue monumentale en bronze d’Henri Lemaire offert par l’État à la commune en 1888 ainsi qu’un musée sur la place du village.
Châteauneuf-de-Randon est également connu pour la Roche branlante.

 

Châteauneuf de Randon

La famille Roux

Roux père, surnommé "Lou Provençau" se prénommait Clément Joseph et était maréchal-ferrant. Sa femme se nommait Rosalie Sérodès. La famille était composée de 8 enfants, tous ayant hérité du prénom Marie. Il y avait :

  • Marie Pierre Hyacinthe (1887-1915)
  • Marie Etienne (1889-1895)
  • Marie Rosalie Hortense (1891-1964)
  • Marie Clémentine Célestine (1893-1975)
  • Léonie Marie Rosa (1895-1986)
  • Marie Sidonie Angèle (1898-1985), soeur Hyacinthe de l'Ordre de Saint-Joseph.
  • Marie Hyacinthe (1900-1986)
  • Célina Eulalie Marie (1904-1979)

A part notre poilu, qui était l'ainé de la fratrie, le petit second décédé en bas-âge et leur soeur entrée dans les ordres, tous les autres se sont mariés et ont vécu jusqu'à un âge avancé. La généalogie de cette famille est extraite de l'arbre Geneanet de Geneviève BROUX-ROUDIL, disponible en cliquant ici.

C'est également à Geneviève Broux Roudil que l'on doit la numérisation d'un nombre important de documents de famille (correspondances, journal de guerre, cartes postales) de plusieurs soldats de cette famille dont notre Marie Pierre Hyacinthe. Cette numérisation, disponible ici sur le site des Archives Départementales de la Lozère, a été réalisée dans le cadre d'une exposition sur la Guerre de 14-18 à Châteauneuf -de-Randon.

Cet ensemble de documents nous montre également son Journal de Guerre, reproduit ci-dessous. Ce document très émouvant montre le quotidien et les épreuves traversées, les conditions de vie très difficiles dans les tranchées, et les nombreux déplacements en fonction des positions à tenir. Il s'arrête 5 jours avant sa mort.

Parti le 24 septembre à 2 heures du soir, nous passons par Nimes, Montpellier, Cette, Narbonne, Montauban. Nous montons par la montagne de l'Orléans, en passant par Cahors, Limoges, Orléans [...] Sens. Nous arrivons le 27 au matin à Epernay. Nous descendons du train, faisons notre café et vivement nous partons avec les tirailleurs Sénégalais en passant par [...] en Champagne, nous arrivons le soir à Beaumer.. et nous y passons la nuit. Le lendemain nous attendons qu'il soit nuit pour aller dans les tranchées rejoindre nos camarades de combat. Nous restons cinq jours dans les tranchées, à quelques mètres seulement des allemands, nous fortifions toujours nos tranchées, nous partons quelques jours après le 30 en arrière des tranchées pour prendre un peu de repos. Nous restons 2 jours à B. Le six au soir dans la nuit nous repartons dans nos tranchées, nous y restons jusqu'à la nuit du 20. De nouveau au repos jusqu'au 21. Nous prenons notre repos à V. De nouveau aux mêmes tranchées la nuit, nous nous portons un peu plus en avant pour construire d'autres tranchées et le jour nous nous reposons dans les tranchées, mangeant, nous couchant. On nous demande pas du travail le jour.

Aujourd'hui 25 octobre, travaillé une bonne partie de la nuit à faire des tranchées, nous prenons un peu de repos et le matin profitant du brouillard, on nous y envoie à nouveau jusqu'à ce que le soleil commence à percer. Les autres jours même situation, travail la nuit à construire des tranchées, parfois le matin à couper des bois afin de les couvrir. Les balles, nous les entendons presque pas et ce n'est que les obus viennent parfois nous déranger dans nos tranchées, ma foi l'on est habitué à les entendre passer sur nos têtes, sauf entendons nous, quand ils viennent toucher près, cela je m'arrête aujourd'hui 28 octobre.

Le 29 nous changeons de tranchées nouvelles que nous avons faites et qui sont un peu plus rapprochées de la première ligne de combat. Nous travaillons la nuit le jour à faire avec activité ces tranchées, à présent que nous sommes installés dans ces tranchées, aujourd'hui 3 et les jours avant nous avons fait des chemins de ronde sans passer dans les tranchées, à présent nous faisons le chemin pour les cuisines qui seront installées en plein air. Je crois que nous avons du boulot pour travailler une partie de l'hiver faire des tranchées ou chemins.

Partis le 7 novembre des tranchées sur Verzenay reformer un autre bataillon, nous restons quelques jours au repos. Le 11 nous partons à nouveau dans les tranchées, pendant que nous étions au repos à Verzenay, la musique du 174e territorial, le soir, donne des concerts en ville, l'on se dirait vraiment à une fête symbolique alors que nous sommes en guerre. Nous occupons les tranchées des légionnaires, nous nous sommes approchés de Reims. La nuit de samedi à dimanche c'est à dire le 15 novembre, nous avons pris la garde au petit poste, vraiment nous n'avons pas passés une nuit chaude. Le samedi soir il pleuvait à torrent, le temps dans la nuit se remet au beau, le ciel est découvert, mais le dimanche matin, l'eau dans les trous était gelée, le dimanche matin, le sergent du jour demande aux soldats, ceux qui veulent aller à la messe, il se trouve quelques uns qui y vont, pour moi je n'ai pas demandé à y aller, nous allons complètement en 1ère ligne, à 150 des tranchées allemandes, nous partons de là le 24 au soir pour aller en arrière, nous passons la nuit à Mailly.

Le lendemain, nous partons à pied pour aller à Rilly prendre le train, nous partons le soir à 4 heures sur Noisy le Sec en passant par Epernay et du moment que j'écris nous sommes à Meaux, il est marqué sur la pendule de la gare minuit et quelques, nous filons vers le Nord et nous passons à [...] à six heures 1/4, de là nous filons sur Clermont, nous débarquons à Mezenneville dans les dix, nous faisons une dizaine de kilomètres et nous arrivons la nuit à Orvillers, là nous avons passé la journée d'hier 28.
Le 29 nous la passons en train de faire de l'exercice le matin, cela au repos jusqu'au 6 décembre, nous partons à dix heures soir pour aller dans les premières lignes. De là nous y passons trois jours et nous revenons le 10 en seconde ligne, la moitié de la campagne en première et l'autre en seconde.

Le 13, nous partons pour nous porter plus loin, nous étions entre Ry Lassigny et Ressons. Le 13, dis-je, nous partons, nous passons presque deux journées au repos et de là nous partons le 15 à une heure de l'après-midi en autocar de Cuvilly pour Béhencourt dans la Somme entre Albert et Amiens, nous y arrivons à 10 heures soir. Là nous passons la journée du 16 et le 17 au matin, réveil à 3 heures debout, le capitaine au rassemblement, nous dit qu'il faut foncer sur les lignes ennemies, essayer d'y faire une trouée ; nous partons, nous arrivons le soir dans les tranchées accompagnés par les obus allemands, sans trop de mal d'ailleurs, nous n'avons pas le temps de nous reconnaitre, l'on fonce mais nous n'allons pas loin, la moitié de l'effectif tombe, le restant nous nous retranchons à quelques pas des lignes allemandes. Ne pouvant y tenir nous nous transportons un peu plus en arrière, nous creusons une autre, là nous y passons la nuit et cela une vingtaine d'hommes, vraiment le soir du 18 nous avions faim et rien dans la musette, en rodant d'un côté à l'autre, je l'avais perdue et je n'avais pas de sac, voyant cela le soir nous nous replions dans nos lignes et nous nous transportons en seconde ligne le 19. Il nous tardait de manger surtout de boire plutôt. Les égarés se ramassent et le 20 nous allons camper à Bray.

Le 21 nous retournons à Béhencourt et depuis nous y sommes, le 28 nous partons. Le matin à 4 heures de Béhencourt, moi-même je pars un peu en avance avec le fournier et un autre homme, pour aller chercher des repas froids dans un village que nous avons sur le chemin. A l'embranchement de deux routes, le fournier me laisse de planton, pour savoir laquelle route le bataillon devait prendre. L'on m'y laisse, voyant que personne en venait me chercher, patience se perd, et je pars à la recherche du bataillon. Il y a plusieurs routes, lesquelles prendre pour être dans la bonne direction, je demande, personne n'a vu, que fais-je. Je pars tout seul à la gare de Ribemont et de là l'on me dirige sur Creil, à 53 kilomètres nord de Paris. Là je passe la journée du 29. Je pars à deux heures du matin pour venir rejoindre mon régiment qui est à Ressons Cuvilly, dont j'y arrive le matin de la journée du 30, et depuis nous voilà au repos depuis, le 16 janvier tout en allant à l'exercice et marche armée à la caserne.

Le 16 nous allons dans les tranchées de 1ère ligne et cela entre Belval et Plessis de Roy. La première nuit la neige tombe, bon sang il ne fait pas chaud dans ces cagnas. Nous y passons six jours, neige et pluie tout le temps sur le dos, l'on est trempé jusqu'aux os, aussi l'on grelottait et hier matin le 23 janvier nous avons été relevé par le 72 territorial et nous restons au repos à Gury.

Le 24 nous repartons pour les tranchées passer autres 4 jours. Dans ce laps de temps, les allemands nous ont avec leur artillerie renversé nos marmittes et le 1er février nous allons passer autres quatre jours à Plessis de Roy et le 4 au matin nous repartons pour Gury, le 8 nous repartons au même emplacement pour huit jours à nouveau et nous sommes revenus à nouveau à Gury aujourd'hui 16 février.

Le 11 avril, venus à Rillet Lemure.
Le 14 avril partir de Rillet à midi pour prendre le train à cinq heures du soir à Montdidier arrivé le matin avons passé par Amiens Abbeville Auxi le Château arrivé le matin à St Pol (Pas de Calais), nous avons fait une douzaine de kilomètres pour venir cantonner à Blangerval sud de St Pol.

Fin du journal.
Pierre Roux a été tué le 19 avril 1915.

Marie Pierre Roux faisait partie du 1er RICM. Parti le 24 septembre, il participa aux batailles de la Marne et, comme on le voit dans son journal, aux conditions terribles de l'hiver 1914-1915. C'est lors de la seconde bataille d'Ypres qu'il a trouvé la mort, le 29 avril 1915. Transporté à l'hôpital de Poperinghe dans un "état comateux", il succombe à ses blessures : plaies pénétrantes cuisse gauche, jambe gauche, genou droit.

Hôpital de PoperingheIl avait écrit 3 jours avant une carte à sa soeur : "Ma chère soeur, Nous sommes en Belgique depuis hier matin. La bataille bat son plein. Nous sommes au nord de Ypres. Les boches reculent. Nous luttons ensemble avec les anglais. Ton frère qui t'embrasse longuement. Roux Pierre".

Carte Pierre Roux du 25 avril 1915 Roux Pierre

 

Sa famille devra attendre le 29 mai 1915 pour apprendre son décès par l'intermédiaire du maire de Châteauneuf-de-Randon, prévenu par avis officiel.

Avis de décès Pierre Roux

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