Un arbre en Lozère ... et ailleurs

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Le 18/11/2022 0

Dans La Lozère

J'ai déjà évoqué le destin de ce soldat dans deux articles : Le monument aux morts de la Parade et Un soldat que torneri pas veire. J'avoue que son destin m'a touchée. Est-ce parce qu'il était un cousin éloigné ? A cause du très joli texte d'Armand del Fabre ? Ou du visage toujours présent dans le cimetière de la Parade ... 
Voici donc son histoire un peu plus approfondie à l'occasion de cette lettre P.

Etienne Marius Gély

Un soldat que torneri pas veire

Totes los fabres de pel Causse èran estats mobilisats. Lo paire ajèt una permission. Sens prene lo temps de far la pausa, tornava cauçar e afustar de nòu las relhas dels araires, ferrava et ferrava encara e totjorn de chavals e de buòs a pas veire la fin de la jornada.
Un ser èri aqui, plantat davant lo trabalh de la farga ont lo paire s'afanava. Un òme davalèt de la bòria vesina, que me semblava bèl-bèl. Saludèt lo client del paire, e puèi demandèt al papà : "A qu'una ora nos cal partir deman ? " E s'en tornèt.

L'endeman èra a l'ostal avant-jorn. Los dos òmes avian 11 qm a se tustar a pè per afins d'anar atrapar lo car de Meiruèis sus Milhau. Eran cargats de musetas e de tot un cent-diables de forniments.

En abraçant la mamà, lo crane soldat diguèt : "Adieussiàs a totes. Sàbi que tornerai pas ..."
E li aviá tant de tristor dins sa votz ! Quand siaguèron partits, volguèri saupre per de qué lo soldat voliá pas tornar. Per tota responsa, la mamà, que podiá pas parlar, me mandèt al lièch, qu'èra encara nuèch. Ela se plorava, la paura !

Lo brave soldaton s'èra pas trompat dins sa pressentida. Qualque temps après, aprenguèrem qu'èra estat tuat.

Aqu'èra nòstre vesin, Marius Gély.

Armand del Fabre

Un soldat que je n’ai jamais revu

Tous les forgerons du Causse avaient été mobilisés. Le père avait eu une permission. Sans prendre le temps de se reposer, il repartit chausser et affuter les socs de charrues, ferrer et ferrer encore et toujours les chevaux et les bœufs à n’en pas voir la fin de la journée.

Un de ces soirs-là, je me tenais devant le travail de la forge où le père s’affairait. Un homme qui me parut très grand, descendit de la ferme voisine. Il salua le client, et demanda à papa : "A quelle heure partons-nous demain ?" Et il repartit.

Le lendemain, il fut à la maison avant le jour. Les deux hommes avaient 11 km à faire à pied afin d’aller prendre le car de Meyrueis pour Millau. Ils étaient chargés de musettes et de toutes sortes d’équipements.

En embrassant maman, le beau soldat lui dit : "Adieu à tous. Je sais que je ne reviendrai pas …"

Et il y avait tant de tristesse dans sa voix ! Quand ils furent partis, j’ai voulu savoir pourquoi le soldat ne voulait pas revenir. Pour toute réponse, maman, qui ne pouvait pas parler, me renvoya au lit, car il faisait encore nuit. Elle était en pleurs, la pauvre !

Le brave soldat ne s’était pas trompé. Quelque temps après, nous apprenions qu’il avait été tué. C’était notre voisin : Marius Gély.

Comme le montre l'arbre ci-dessous, Marius Étienne Privat Gély était un cousin issu de germain de mon grand-père. Il était né dans le village de Drigas, en 1897, mais a vécu sa courte vie à la Borie, commune de la Parade, où ses parents, Prosper Gély et Mélanie Vergély, étaient fermiers. Il était le troisième enfant d'une nombreuse fratrie : 11 enfants nés entre 1891 et 1916 dont "seulement" une petite fille morte en bas-âge.
Seuls les trois garçons les plus âgés : Joseph Justin Fortuné, notre Marius et Henri Privat Louis ont fait la Grande Guerre. Un des plus jeunes, Jules "Roger" Hilaire, le meilleur copain d'Armand del Fabre, a été fait prisonnier pendant la seconde guerre mondiale. Tous en sont revenus, tous, sauf Marius.

Il faisait partie du 17ème Régiment d'Infanterie et est tombé au Combat de Frières, le 23 mars 1918, à l'âge de 20 ans.

Les 22 et 23 mars 1918, les Allemands progressent et occupent de nouveau le village de Frières. La Maison du Garde (au sud du territoire de Frières en lisière de forêt) demeure le lieu de la commémoration de l’engagement des troupes alliées face aux troupes allemandes, du 21 au 23 mars 1918. Des milliers de soldats allemands sont face au Corps expéditionnaire américain, aux 3e et 5e Armées britanniques, 10e Régiment d’Infanterie de l’Essex, la 1re Division de cavalerie (9e Régiment de Cuirassiers) et la 1re Armée de Lorraine pour les troupes alliées. Au soir du 24 mars, les troupes allemandes ont avancé de 40 km, capturé 45 000 prisonniers et pris 600 canons. Aujourd’hui, la route qui traverse le bois a été rebaptisée le 29 mars 2003 Route du 9e Cuirassiers et du 10e Essex.

Le village est repris par les Français le 7 septembre 1918.

Arbre de Marius Gély par Emmanuelle Déchamps
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