Un soldat que je n’ai jamais revu
Tous les forgerons du Causse avaient été mobilisés. Le père avait eu une permission. Sans prendre le temps de se reposer, il repartit chausser et affuter les socs de charrues, ferrer et ferrer encore et toujours les chevaux et les bœufs à n’en pas voir la fin de la journée.
Un de ces soirs-là, je me tenais devant le travail de la forge où le père s’affairait. Un homme qui me parut très grand, descendit de la ferme voisine. Il salua le client, et demanda à papa : "A quelle heure partons-nous demain ?" Et il repartit.
Le lendemain, il fut à la maison avant le jour. Les deux hommes avaient 11 km à faire à pied afin d’aller prendre le car de Meyrueis pour Millau. Ils étaient chargés de musettes et de toutes sortes d’équipements.
En embrassant maman, le beau soldat lui dit : "Adieu à tous. Je sais que je ne reviendrai pas …"
Et il y avait tant de tristesse dans sa voix ! Quand ils furent partis, j’ai voulu savoir pourquoi le soldat ne voulait pas revenir. Pour toute réponse, maman, qui ne pouvait pas parler, me renvoya au lit, car il faisait encore nuit. Elle était en pleurs, la pauvre !
Le brave soldat ne s’était pas trompé. Quelque temps après, nous apprenions qu’il avait été tué. C’était notre voisin : Marius Gély.