Un arbre en Lozère ... et ailleurs

Mes ancêtres lozériens et la religion

Le 04/12/2022 1

Dans La Lozère

La plupart de mes ancêtres qui vivaient sur le Causse Méjean et dans les Gorges étaient de religion catholique. Certainement 100 % d'entre-eux après 1720. Au 17ème siècle, par contre, certains avaient épousé la religion réformée, et cela, depuis quelques générations. Les répressions les ont certainement obligé à une conversion forcée. Voici un retour sur cette période troublée ainsi que les quelques "pistes" qui m'ont aidée à comprendre cette époque.

L'édit de Nantes instaure en France, pour 87 ans, une situation considérée souvent comme profondément originale et souvent célébrée comme la naissance de la tolérance en Europe. Il instaure un État catholique dans lequel le protestantisme est toléré, mais reste défavorisé. En effet, l'édit proclame le rétablissement de la religion romaine partout où elle avait cessé de s'exercer et des églises et biens ecclésiastiques à leurs premiers possesseurs alors que le culte protestant ne peut s'exercer librement partout. La recatholicisation du royaume devient alors possible. C'est ainsi qu'à partir du début du 17ème siècle Henri IV poursuit une politique favorisant clairement la réforme catholique.

Louis XIII doit faire face à de nouvelles rébellions protestantes. Elles s'expliquent facilement par le réflexe de peur d'une minorité craignant la réalisation d'un grand « dessein royal » à ses dépens. Ces révoltes touchent seulement l'Ouest et le Midi. En 1615, l'assemblée de Nîmes décide de soutenir les nobles qui s'opposent au mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche. En 1620, le roi se rend dans le Béarn, province majoritairement acquise à la Réforme, avec une armée. Il y rétablit le culte catholique selon les termes de l'édit de Nantes. La conséquence en est le soulèvement des protestants en mai 1621 par la première des rébellions huguenotes. Le conflit est marqué par deux campagnes de Louis XIII dans le Midi, en 1621 et 1622. Les protestants perdent 80 places fortes ; Montpellier, Millau, Nîmes, Castres et Uzès perdent la moitié de leurs fortifications. En 1625, Benjamin de Rohan, frère du chef des protestants, Henri II de Rohan, prend l'initiative d'un nouveau soulèvement, que le Languedoc suit sans enthousiasme. Il se termine par le traité de Paris signé en février 1626 qui reconduit la paix précédente. Charles Ier d'Angleterre pousse ensuite les huguenots à leur dernière grande révolte (1627-1629). Le souverain lui-même se rend en Languedoc où il prend Privas en mai 1629. L'édit de grâce d'Alès de juin 1629 pardonne la révolte, laisse aux protestants les libertés religieuses prévues par l'édit de Nantes, mais ordonne la destruction de toutes les fortifications adverses. Les assemblées politiques huguenotes sont désormais interdites. Dès lors, l'édit est interprété de manière plus restrictive : tout ce qu'il n'autorise pas est interdit. En 1680, ne subsiste que la moitié des temples de 1598, moins du tiers en 1683, le quart fin 1684.

À partir de 1678, particulièrement hostile au protestantisme, Louis XIV met en place (ou laisse s'installer, malgré quelques rappels à l'ordre de serviteurs trop zélés) une politique de conversion puis de vexation, voire de persécution. En 1681, Marillac, intendant du Poitou envoie les dragonnades forcer les familles protestantes à se convertir. En février 1682, il est désavoué et rappelé par Louvois qui craint un relâchement de la discipline militaire. Cette politique est critiquée par l'Europe protestante qui propose d'accueillir les huguenots. Enfin, en octobre 1685, Louis XIV fait paraître l'édit de Fontainebleau qui révoque l'édit de Nantes sauf dans la partie conquise de l'Alsace. Les protestants, déjà réduits en nombre depuis un siècle, sont obligés de se convertir ou de s'exiler. Des troubles éclatent au début du 18ème siècle dans les Cévennes où la population, connue sous le nom de « camisards » se révolte contre le gouvernement.

Il faut attendre les critiques des Lumières pour voir enfin l'instauration d'une véritable tolérance religieuse. En 1787, le roi Louis XVI par l'édit de Versailles accorde un état civil aux protestants, ce qui instaure le mariage civil en France. C'est seulement avec la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que les protestants sont pleinement réintégrés dans leurs droits civiques au sein du royaume de France. À la fin du 18ème siècle, on compte entre 500 000 et 650 000 réformés dans le royaume, guidés par quelque 150 pasteurs.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 3.0. Source : Article Guerres de Religion (France) de Wikipédia en français (auteurs)

Les religions en Gévaudan par Emmanuelle Déchamps

Mes ancêtres

Proportion connue de protestants

En interrogeant Hérédis sur mes ancêtres directs, nés avant 1750, dont la religion est connue, on obtient 259 résultats. Sur ces personnes, 22 sont clairement de la religion réformée. Ces 22 personnes sont presque toutes nées avant 1600.

NB : ceci est juste un échantillon car mon ascendance identifie 1122 ascendants directs nés avant 1750.

Comment je le sais ?

C'est souvent les termes du contrat de mariage ou du testament qui donnent des indices sur la religion des personnes. Beaucoup de ces ancêtres présumés de la religion réformée ont d'ailleurs fait baptiser leurs enfants et ont été inhumés selon les rites catholiques, sans qu'on ait trouvé d'acte d'abjuration. Cela se comprend. Pour ceux qui vivaient dans un village de tradition catholique avec comme seul officiant le prêtre du lieu, l'inhumation se faisait traditionnellement dans le cimetière de l'église. Les rares de mes ancêtres vivants dans des bourgades plus peuplées pouvaient avoir recours à un pasteur. De plus, les répressions contre le culte protestant au cours du 17ème siècle ont certainement hâté la conversion (sincère ou forcée) de quelques-uns ; leurs enfants et les générations suivantes ont ensuite suivi les dogmes de l'église "catholique, apostolique et romaine ".

Quelques exemples

Jean Lapeyre, dit "Ragassou"
(sosa 2 120)

Le contrat de mariage de Jean et Marguerite a été passé le 3 mai 1620 devant Jehan Gély, notaire royal de Meyrueis, lui-même de confession protestante. Les termes révélateurs en sont les suivants :

"L’an mil-six-cent-vingt et le troisième jour du mois de mai avant midi régnant très chrétien prince Louys par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre sachant tous présents et advenir que comme à l’honneur et gloire de Dieu mariage a été traité d’entre Jean Lapeyre fils légitime et naturel de Claude Lapeyre et Catherine Bassoulle du lieu de Drigas paroisse d’Hure diocèse de Mende d’une part et Marguerite Bastide fille naturelle et légitime de André Bastide et Catherine Avesquesse dudit lieu d’Hure d’autre lesdites parties ledit Jehan Lapeyre pour libre de soi toutefois du bon vouloir plaisir et consentement de ses parents et ladite Marguerite de licence et exprès consentement desdits André Bastide et Catherine Avesquesse ses père et mère et autres ses parents y présents et licence lui donnant ont promis et promettent de prendre et épouser l’un l’autre en l’église de Dieu les annonces faites et publiées pourvu qu’aucun empêchement légitime n’y intervienne"

Mariage Jean Lapeyre et Marguerite Bastide

Les termes en rouge sont typiques d'une union de personnes du culte protestant. Les familles Bastide et Lapeyre qui vivaient à Drigas et Saubert, étaient protestantes. Les parents et les grands-parents de Jean et Marguerite étaient réformés.
Pourtant leurs enfants se sont tous mariés selon les rites de l'église catholique et leurs petits-enfants ont été baptisés par le curé du lieu. Conversion volontaire ou non ? Je pense plutôt que les pauvres paysans vivants à l'époque essayaient juste de rester vivants et d'éviter les représailles de quelque bord elles puissent venir.

On retrouve cette "conversion" dans l'acte d'inhumation de Marguerite, qui d'ailleurs pose question vu l'âge que le curé lui attribue :

Sépulture M Bastide (©AD48)

L'an que dessus (1691) et le sixième mars a ésté donné ecclésiastique sépulture à margueritte bastidesse de drigas paroisse d'hures agée de cent dix ans. Ont assisté à sa sépulture jean lapeyre maréchal son fils, et andré lapeyre son petit fils tous de drigas qui requis de signer ont dit ne le savoir et moy Raynal curé

Antoine de Guérin de Millau
(sosa 2166)

Dans le cas d'Antoine, de noble lignage, les choses sont plus claires. Millau disposait de temples et d'églises catholiques. La famille de Guérin a pu faire baptiser son fils par le pasteur.

Baptême Antoine de Guérin

Le mesme jour du vingt deuxiesme jour du mois de janvier an susdit mil six cent doutze a este pourte a bastesme ung fils de monsieur M Jehan Guerin docteur en droicts et de damoyselle Marie de Meliac maries parrin Anthoine Meliac bourgeois des arenes pere a ladite damoyselle Marie Meliac et marrayne damoyselle Ma ... de Bourges femme de Mr de Amaty docteur en medecine luy a este impose nom par Monsieur Duthil pasteur : Anthoine.

Antoine avait épousé en 1642 Suzanne Hugla, fille de riches marchands, également de confession protestante. ce sont leurs enfants qui feront acte d'abjuration, au début du 18ème siècle :

Jean Guérin, consul de Millau, député aux Etats généraux de 1614, fut un des membres du tiers-état qui soutinrent avec le plus de force les droits de la royauté.
Antoine de Guérin, sieur des Arènes, capitaine au Régiment royal, infanterie, fut annobli en considération de ses services par lettres du mois de janvier 1668, enregistrées à la chambre des comptes, le 7 juillet 1676.
Cette famille avait embrassée le calvinisme. Elle abjura "ses erreurs" et rentra au sein de l'église en 1713. 1 695 habitants de Millau ou des environs prirent part à cet acte solennel. On y voit parmi les plus notables :

  • Noble Jacques de Guérin, sieur des Arènes et sa famille ;
  • Noble Michel-d'Izarn, seigneur de Cornus ;
  • La veuve de noble Jean de Tauriac et deux fils ;
  • Noble Pierre de tauriac, sa femme et son fils ;
  • Noble Levy de Gualy, sa femme et quatre enfants.

Documents historiques et généalogiques sur les familles et hommes remarquables du Rouergue (H de Barrau)

L'abjuration de Pierre Anterrieu, laboureur de la Borie

Pierre Anterrieu ne fait pas partie de mes ancêtres mais son cas est intéressant. Il est né aux Hérans vers 1640 de parents certainement catholiques, est parti se marier "en territoire huguenot" puis veuf ... mais je vous laisse découvrir la suite.

Pierre Anterrieu natif du village d'Eran en la paroisse de la Parade, âgé d'environ 33 ans, marié autrefois au village de Costeguison avec une huguenotte ayant pour cela apostasié de sa religion naturelle et fait profession de la religion prétendue réformée depuis environ 12 ans, étant devenu veuf par la suite, étant revenu dernièrement en lad paroisse de la Parade et fréquenté et appris la doctrine chrétienne enseignée par le curé d'icelle, a par la grâce de Dieu connu autant qu'il en est capable l'abus et la fausseté de lad religion prétendue réformée et ensuite a fait abjuration d'icelle entre les mains de moi Jean Pourquier prêtre curé de lad paroisse de la Parade, et a été par moi reçu à la profession de la foi catholique apostolique et romaine dans l'église paroissiale dud la Parade le onzième jour du mois de mai jour de l'ascension de notre Seigneur Jésus Christ après vêpres, an 1673, les cérémonies du rituel observées, laquelle réception j'ai fait en conséquence du pouvoir à moi pour cela donné par Monseigneur Mre Chevalier Chanoine en l'église cathédrale de Mende, official et vicaire général de Monseigneur dans sa lettre du onzième avril dernier année courante, et lad réception a été faite à la présence de Guillaume Portalier et de Jean Portalier ambrosi du village de la Borie, de François Portalier de la Retournade, d'Antoine Evesque demeurant aud la Borie illiterés requis de signer, de Jacques Mezy de Chanac soussigné avec moi, de Guillaume Anterrieu son frère, de Antoine et Jean Rabier d'Eran ses cousins aussi illiterés requis de signer par moy.

Cette année-là, Pierre avait environ une trentaine d'années et un fils de ce premier mariage, qui sera lui-aussi rebaptisé après avoir été "instruit des mystères de la religion catholique chez Me Michel du Bedos et fort affectionné à icelle". Cette abjuration, voulue ou non, était faite dans le but d'épouser une veuve catholique du Bedos, Charlotte Bazalgette. Deux enfants duement baptisés sont nés de cette union et notre Pierre, surnommé Bessou, a vécu jusqu'à l'âge de 77 ans et a été inhumé selon les rites catholiques par Me Pierre Vachin, curé d'alors.

Le passage des Camisards

Quelques mentions dans les registres paroissiaux de Hures font état de la Guerre des Camisards, qui s'est arrêtée aux portes du Méjean. J'avais déjà parlé de cela dans l'article consacré au curé de l'époque, François Raynal.

Massacre de Saubert (©AD48)

La nuit du 21 au 22 novembre de l'an que dessus (1703) feurent massacrés par les camisards dans le lieu de Saubert, Antoine Maurin dit Peremayre, Pierre Daudou de Meyrueis, Jean Coulier et Guillaume Rabié d'Héran paroisse de la Parade et furent par nous ensevelis le 22e dud comme aussi feurent attachés et amenés Antoine Dides brave fil, François Bastide et Guillaume Plantier tous de Drigas demeurant aud Saubert, à Cabrillac où ils feurent tués la même nuit par les camisards en foy de ce, Raynal curé

Cela mériterait un tour aux archives histoire de voir si on peut en savoir plus sur cet évènement ...

Sources

  • Les premiers camisards, Juillet 1702 - Henri Mouysset, 2010, Nouvelles Presses du Languedoc
  • Documents historiques et généalogiques sur les familles et hommes remarquables du Rouergue - Hippolyte de Barrau, 1853, BNF, Hachette Livre
  • Contexte Languedoc Roussillon Comté de Foix - Thierry Sabot, 2020, Editions Thisa
  • La Lozère de la Préhistoire à nos jours - Jean Paul Chabrol, 2002, Editions Jean Michel Bordessoules
  • Wikipédia. Article Guerres de Religion (France) de Wikipédia en français (auteurs)
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Commentaires

  • Béatrice

    1 Béatrice Le 05/12/2022

    Oh merci pour toutes ces indications. Ça me donne envie de recreuser notre branche que nous soupçonnons fort d’être protestante. Article très intéressant

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