15/03/1943 – Oflag IV C (Colditz). Relevons seulement cette phrase qui est sans doute une annonce sous sa forme anodine : « Pour mieux fixer l’heure de la classe, j’attends les évènements de l’été ».
13/06/1943 - Oflag IV C (Colditz). Cette lettre relate les petits faits quotidiens : occupations, jeux, lecture, étude de l’allemand. Suit alors dans la correspondance un vide de 3 mois. Puis arrive un courrier venant d’un autre camp :
4/09/1943 – Oflag X C : Emile parle d’une « nouvelle installation ». « C’est un séjour à la campagne. On voit des paysans se hater, on entend les oiseaux, on part se balader ». Pauvre Armand ! Il n’est vraiment pas gâté de détails. Et il doit se demander les raisons de ce transfert. Son frère n’aurait-il pas encore fait quelque tentative avortée ?
10/10/1943 – Oflag X C (Lübeck) : « Tu es peut-être au courant de mes petits avatars. J’ai passé plus de deux semaines au noir… » Pour l’instant, nous ne voyons pas de quelq avatars il serait question, et pour quelle raison il a été enfermé durant plus de deux semaines.
9/11/1943 – Oflag X C (Lübeck) : « Je passe devant le Conseil de Guerre le 25/11. Je serai certainement acquitté. On ne saurait confondre tentative d’évasion et délit de droit commun ». L’avatar en question s’éclaire ici : sans doute quelque tentative d’évasion avortée.
13/11/1943 – Oflag X C (Lübeck) : « J’en ai plein le dos de cette histoire-là. Nous sommes ici dans des conditions d’habitat détestables : 16 dans un espace réduit, et pas une minute de silence ». « Rendez-vous à la Parade pour Pâques : amende aux retardataires ». Comment ne pas entendre dans cette dernière phrase une nouvelle annonce ?
24/11/1943 – Oflag X C (Lübeck) : « Plus tard je te raconterai les petites histoires des camps spéciaux ; nous en rigolerons, il y a de quoi… »
1/12/1943 – Oflag X C (Lübeck) : « A la séance du Conseil de Guerre, à la kommandantur du X C, le 25/11, j’ai été condamné avec deux camarades à un an de prison. Ce n’est pas tellement les faits qui nous étaient incriminés (Diensmaterialbeschädigung) qui nous ont valu cette condamnation. Le président nous a dit lui-même que cela devrait servir d’exemple pour enrayer les évasions. La punition deviendra applicable le jour où elle sera signée par l’OKW ». Il en profite pour expliquer à son frère : qu’il ne faut rien dire à maman qui se ferait trop de soucis, seulement lui laisser croire qu’il a encore changé de camp – il risque d’être interné à Graudenz, la prison des officiers – sa correspondance sera peut-être supprimée, ou toutefois rendue difficile. […]
Il n’attendra pas la signature de l’OKW. Car deux jours plus tard, le 3/12/1943, Emile Aigouy s’est évadé du camp X C.
En réalité, Emile est repris quelques jours plus tard. Ayant perdu ses papiers d’identité, il donne le nom de Léon Fallon, un copain plus chanceux qui a réussi à rejoindre la France et dont le dossier était vierge de toute évasion. C’est donc sous ce nom qu’Armand recevra des nouvelles de son frère.
Le 24/04/1944, c’est une simple carte que Fallon envoie et ce sera la dernière : « C’est le printemps qui frappe à la porte. De quoi demain sera-t-il fait ? Espoir et courage ! Ton frérot t’embrasse bien fort. »
Voilà, c’est fini. Les derniers mots ont été dits. Et Armand ne recevra plus rien de lui.
Deux jours plus tard, le 26 avril, Emile, une dernière fois, prenait la clé des champs, en empruntant avec toute une escouade de copains le « tunnel de l’infirmerie ».
Sur la totalité des évadés, quatre réussiront leur coup. Certains sont repris et remis à la Gestapo. Les cendres funéraires de deux d’entre eux sont réexpédiées au camp.
Alors, pour Emile ? Pendant longtemps on n’a absolument rien su. Et même à présent, on ignore vraiment ce qui s’est passé.
Une enquête de 1951 du Ministère des Anciens Combattants arrive à la conclusion suivante : « J’ai l’honneur de vous faire connaitre que d’après un document officiel émanant du Bureau National Français de Recherches, il ressort que le Lieutenant Emile Aigouy est décédé le 30 mai 1944 à Buckenwald (Allemagne) sans autre renseignement ».
On n’en saura pas plus.
Dégradation de matériel de service.
Ville et forteresse militaire, sur la Vistule en Prusse Orientale.