Isidore Victor Bonnal est né le 2 avril 1890 au Buffre. Il était le dernier d’une famille de 2 filles et trois garçons. Son père, Jean-Baptiste, était maçon, sa mère, Marie-Rose Julier, femme au foyer. Elle se retrouva veuve en 1902.
Leur fils ainé, Jean-Baptiste, était « simplet ». (Il fut déclaré indigent) lors de son recensement militaire. Leur fils cadet, Gervais Justin, fut condamné à 15 ans de travaux forcés en 1909 pour homicide volontaire et mis à la disposition du Ministère des Colonies. Il était alors marié et père de deux enfants. "Atroce vengeance"
Isidore fut appelé sous les drapeaux dès l’appel à la mobilisation générale. Comme Joseph Combes, que l’on verra plus bas, il rejoint le 81ème RI caserné à Montpellier qui fut rapidement envoyé en Meurthe et Moselle.
On peut se rendre compte de l’intensité des combats en lisant le carnet de Jean-Marie Chaubet, de la même compagnie que Isidore, et disparu comme lui, le 22 aout.
16 aout : Nous nous levons tous transis car la pluie de la veille était rentrée dans la tranchée, nos effets sont tous mouillés. Nous allons à l’emplacement où nous avions passé la nuit l’avant-veille. Nous recevons l’ordre de marcher sur Vaucour. Après avoir traversé de nombreux champs, nous arrivons en vue du village. Les maisons sont brûlées. Je pars en patrouille avec 4 hommes, pour la première fois nous voyons le poteau frontière. Dans la forêt, on trouve des sacs, des objets ayant appartenu aux prussiens. Nous faisons halte à la lisière de la Forêt de la Garenne. Nous arrivons devant un village, Meuzière les Vics.
17 aout : Nous quittons le village. Je rencontre le sergent de la 4ème, il n’avait pas été blessé, je lui rends son carnet. Nous traversons quelques villages et toujours des bois. Dans une forêt, une troupe de hulons tirent sur les éclaireurs du 1er hussard et blessent un homme au pied et trois chevaux – on doit en abattre deux. Le soir nous arrivons à Bisping. Nous achetons une oie (nous la faisons cuire) – des cigares et de l’eau de vie. Le soir la fusillade se fait entendre. C’est le 96ème et le 122ème qui sont sous le feu de l’ennemi. Le canon tonne.
18 aout : On nous réveille à 2h pour nous dire de nous tenir prêts à prendre les armes, ma section prend le piquet – à 3h on vient réveiller nos brancardiers pour aller ramasser et soigner les blessés des deux autres régiments, il y a beaucoup de blessés et de morts. Le canon tonne toujours. Nous quittons le premier emplacement pour le céder au 56ème d’artillerie, nous partons en arrière et nous construisons une tranchée pour nous protéger contre les coups de l’artillerie allemande. Les canons du 56ème ont ouvert le feu sur les allemands, le 96ème, le 142ème et le 122ème sont déjà en avant – les voitures pour les blessés partent car ce matin, elles commencent à en ramener. Nous quittons notre position pour aller en avant. Nous allons près d’une autre forêt. Nous entendons la fusillade, les obus sifflent. Nous faisons le café et nous n’avons pas le temps de cuire la viande. Nous nous dirigeons vers Angviller, nous allons prendre les avant-postes. Il fait très froid, nous construisons une tranchée.
19 aout : nous restons sur les positions abritées derrière la tranchée. Les allemands font leur apparition à 8h. On fait un feu. A 9h, un peloton d’infanterie bavaroise avec des hulans font leur apparition à la lisière de la forêt. Nous attendons qu’ils sortent mais ils ne se montrent pas. Nous quittons les tranchées pour aller traverser la forêt. Le capitaine vient de nous dire que le maire de ? et le garde-champêtre vont être fusillés car ils ont été trouvés en train de téléphoner le mouvement de nos troupes à l’ennemi. Nous quittons notre emplacement pour aller dans la forêt de la veille. Le capitaine tombe de cheval, il s’est laissé mordre la jambe, il marche en boitant. Nous allons en avant de l’artillerie du 3ème pour la protéger. Nous restons avec l’artillerie jusqu’à 20h. Nous partons et campons en dehors du village de ?, nous passons une deuxième nuit blanche.
20 aout : Nous faisons un café pour la section (2h). Le soleil se lève, avec lui commencent les premiers coups de feu, nous sommes attaqués par l’armée allemande, les premiers tirailleurs partent, les hommes porteurs de cisailles aussi. Nous attendons les ordres. 6h, les premières voitures d’ambulances arrivent de Lunéville pour prendre les blessés de la veille. Comme l’artillerie française tire, nous nous portons à sa droite puis nous allons vers Angviller. Nous prenons des formations de combat, des balles égarées sifflent à nos oreilles, un escadron de cavalerie est avec nous. Le canon tonne. Nous changeons de position, notre corps se replie, l’armée part en désordre. Le 81ème a perdu une partie de son effectif. L’effectif après la charge : il reste 1 sous-lieutenant, 2 sergents et 60 hommes. Nous quittons nos positions, c’est une débâcle terrible sur la route qui conduit à Mazières qui fut si riante pour aller, c’est bien triste pour le retour. Les convois partent en désordre, la cavalerie, l’artillerie, le génie, tout se mélange. Nous allons nous poster en dessus du village de Maizières.
Le 22 aout, le régiment a 1300 hommes blessés, tués ou disparus. Isidore en a fait partie. D’abord considéré comme disparu, sa mort a été officiellement fixée au 22/08/1914. Il a été décoré de la médaille militaire et de la Croix de Guerre.