Un arbre en Lozère ... et ailleurs

Issoire

Le 11/11/2024 3

Dans La Lozère

Issoire, petite ville au sud de Clermont-Ferrand, est le dernier lieu d'habitation connu du frère de mon sosa 16.
Il s'appelait Jean-Joseph "Augustin" BOULET et était cordonnier. 
Né à Drigas sur le Causse Méjean en 1847, il est mort à l'hôpital de la Celette en 1900.
Voici ce que je sais de son histoire ...

Sa jeunesse

Augustin est l'avant-dernier enfant de Pierre-Jean BOULET et de Victoire GAL, mes sosas 32 et 33, dont vous pouvez découvrir la vie en cliquant sur leur nom. Né à Drigas le 7 mai 1847, il a sûrement eu comme instituteur son oncle Jean-Victor Boulet, également un de mes ancêtres. Il savait parfaitement lire et écrire. 

Recensé à Meyrueis à l'âge de 20 ans, il s'engagea volontairement dans l'armée pour une période de 5 ans, de mai 1868 à mai 1873. Il fut affecté au 83ème Régiment d'Infanterie. (Fiche matricule).

La photo ci-contre n'est pas la sienne, mais celle que l'IA m'a générée en saisissant sa description militaire et en ajoutant "homme de 20 ans vivant au 19ème siècle". 

Il n'y a pas beaucoup de précisions sur les fiches matricules de cette époque mais on peut supposer qu'il a "fait" la guerre de 1870 ...

Augustin boulet

Le 83ème Régiment pendant la guerre de 1870

Le 83ème régiment d'infanterie de ligne participe à la guerre franco-allemande de 1870. Il commence à se battre le 30 août 1870 à Raucourt, puis le 1er septembre son 1er bataillon défend la gare de Sedan. La bataille perdue, le régiment est envoyé en captivité dans des villes du Nord de l'Allemagne. Auparavant, son drapeau a pu être remis à M. Mahulot, ancien militaire habitant Sedan, sans être capturé par les Allemands.
Le 17 novembre 1870 eut lieu le combat de Torçay où fut engagé une compagnie de marche du 83ème RI qui composait le 36e régiment de marche.
Le 24 novembre 1870, les 8e compagnies des 2e et 3e bataillons du 83ème régiment d'infanterie de ligne qui composaient le 29ème régiment de marche furent engagés dans les combats de Chilleurs, Ladon, Boiscommun, Neuville-aux-Bois et Maizières dans le Loiret.
Le 6 janvier 1871, la compagnie de marche du 83ème RI qui composait le 36ème régiment de marche est engagé dans l'affaire du Gué-du-Loir.
À la conclusion de paix, le régiment est reformé à Clermont-Ferrand avec les débris du 83ème et ceux du 3ème régiment de voltigeurs de l'ex-Garde.

Après la guerre

C'est certainement pour cela qu'à sa démobilisation, en 1873, Augustin s'est retrouvé dans la région de Clermont-Ferrand. On retrouve une première trace lors du recensement de 1876. Il habite aux Martres de Veyre, dans ce qui semble être une pension de famille, située 1, rue Barnier. Il est célibataire, âgé de 28 ans et exerce toujours la profession de cordonnier, qui était déjà mentionnée sur sa fiche militaire.

Sept ans plus tard, le 17 juillet 1882, il se marie à Riom avec Jeanne Amblard, piqueuse de bottines de 7 ans son ainée. Cette dernière, originaire du lieu, était veuve. Elle avait été brièvement mariée entre 1871 et 1873 avec Henri Hanriot, coupeur de chemises à Paris, décédé jeune à 25 ans. Jeanne avait 41 ans lors de ce second mariage et le couple ne semble pas avoir eu d'enfants. En 1886, année de la mort de Jeanne, ils habitent la ville de Clermont-Ferrand.

Issoire

En 1891, Augustin, toujours veuf, habite Issoire, dans le quartier du Pont. C'est au même endroit qu'on le retrouve domicilié au moment de sa mort, en 1900. 

La mort d'Augustin

Augustin est mort à environ 100 km de son domicile, Issoire, le 30 décembre 1900. Il était interné à l'hôpital de la Cellette, à Monestier-Merlines, à la limite de la Corrèze et du Puy-de-Dôme.

19001230 boulet augustin deces

L'an mil neuf cent, le trente du mois de décembre à une heure du soir (heure légale), acte de décès de Boulet Jean-Joseph Augustin, cordonnier, veuf de Jeanne Amblard âgé de cinquante trois ans, né à Hures (Lozère), domicilié à Issoire, département du Puy de Dôme, décédé au lieu de la Celette en cette commune, ce jour trente décembre à une heure du matin, fils de Pierre-Jean Boulet et de Victoire Gal, décédés.
Dressé par nous Chosson Louis maire, officier de l'état civil de la commune de Monestier merlines après nous être assuré du décès, sur la déclaration de Coubres Vincent directeur de la Celette âgé de 82 ans, demeurant audit lieu de la Celette, et de Bargy Jacques Emile, docteur médecin âgé de 39 ans, demeurant aussi à la Celette, voisins, qui ont signé avec nous après lecture.

L'hôpital de la Cellette

L'hôpital de la Cellette est considéré comme le plus vieil asile de France.

La naissance de la Cellette remonte à 1144. Un religieux bénédictin du prieuré de Marsat, près de Riom, revenant de Palestine, s'égara dans les gorges du Chavanon et arriva dans une petite vallée. Il décida de s'y retirer, pour se livrer à la vie contemplative et il bâtit, sur un petit monticule, au pied du rocher qui domine le nord de la vallée, une chapelle dans le style de Notre Dame de Nazareth, qu'il avait visitée quelque temps auparavant. Cet ermitage prit alors le nom de Cella, ou chambre de Notre Dame. A la mort de ce bénédictin, les religieux refusèrent de continuer à habiter dans cette solitude et l'ermitage fut, peu à peu, délaissé.
L'ermitage se transforma petit à petit en couvent, où les religieux, dès le 15ème siècle, prodigaient des soins aux "aliénés".

Pendant la révolution, les biens et le couvent furent vendus nationalement. De nombreux propriétaires se succédèrent jusqu'en 1831, date à laquelle l'asile d'aliénés fut véritablement créé. Les nouveaux propriétaires construisirent une papeterie et des bâtiments pour y recevoir les malades. De 1831 à 1835, le nombre des admissions s'est accru, pour arriver à 90 malades, venant de 12 départements différents.
L'hôpital se donne, dès 1831, une organisation administrative, tout étant soigneusement noté, la direction de l'hôpital assurée par des religieux lui conférant une discipline, une sérénité que ne possédaient pas les hôpitaux d'alors. L'ascendant moral des frères transforma l'hôpital sur le même modèle que le couvent, avec ses horaires fixes, la prière en commun, mesures qui s'appliquaient aussi au personnel. Le personnel soignant était alors recruté parmi les vagabonds et les ivrognes, dont la forte musculature constituait la première condition dans l'art de soigner les malades. Obéissance aux règles de religion et travail étaient les critères de guérison. Le rôle des médecins, que rien ne destinait à soigner la maladie mentale, était rendu d'autant plus difficile, qu'ils étaient employés par les religieux.

A partir de 1838, les malades viendront uniquement de Corrèze et du Puy-de-Dôme et seuls des hommes y seront accueillis, les malades femmes étant admises à l'hôpital Sainte Marie de Clermont.
L'hôpital était administré sous l'autorité du Préfet de Corrèze, par un religieux, chef également de la communauté religieuse. 
La population moyenne de l'hôpital s'accroissait régulièrement, on recensait 311 malades en 1873. Les pensionnaires, entretenus par leurs familles, étaient divisés en quatre classes, le prix annuel des pensions dépendant des origines nobles ou paysannes du patient. La dernière catégorie formait, avec les aliénés entretenus au compte du département, la classe du régime commun. L'inégalité, au niveau des malades, se retrouvait tant sur la nourriture que sur les soins prodigués. Selon les statistiques recueillies dès 1890, il était intéressant d'observer qu'à défaut de véritables théories sur la genèse des maladies mentales, on cherchait déjà à en connaître les facteurs favorisants. Sur les 440 malades présents alors, 65 % étaient célibataires et 27 % mariés, alors que dans la population générale, ces chiffres étaient sensiblement inversés. Il ressortait également que 90 % de la pathologie hospitalière regroupait les manies, les démences et les monomanies, alors que les arriérations ne représentaient que 10 % des malades. Quant aux mouvements de la population, dès la fin du 19ème siècle, on notait que les admissions et les sorties s'équilibraient dans des proportions sensiblement superposables.

Dans toutes les descriptions qui ont été réalisées, pendant cette période, sur les malades mentaux, on retrouve toujours les mêmes discours moralisateurs, les symptômes n'étaient appréciés qu'en fonction de la morale chrétienne. Il est frappant de constater combien folie et punition divine étaient intimement liées.

La congrégation de Sainte-Marie de l'Assomption gardera la direction de la Cellette jusqu'en 1927, date à laquelle elle cédera la place à la congrégation Saint-Jean-de-Dieu.

Histoire complète et photos sur le site de l'hôpital en cliquant ICI.

La fin de vie d’Augustin, passée dans les murs de l’hôpital de la Cellette, rappelle la réalité parfois austère des institutions d’autrefois. Ce lieu, chargé d’histoire et témoin de siècles de soins aux âmes tourmentées, a vu défiler des centaines de vies comme celle d’Augustin, prises entre les souffrances personnelles et les contraintes d’une époque révolue. En refermant ce chapitre, on ne peut s’empêcher de penser que la mémoire de ces hommes et femmes, même modestes, continue de résonner à travers les pierres de ce vieil asile, nous invitant à ne pas oublier les leçons du passé.

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Commentaires

  • Stéphane

    1 Stéphane Le 16/11/2024

    L'association des mots asile et 1900 me font frémir rien qu'à penser dont pouvaient être traités les "pensionnaires" dans ces lieux à cette époque
  • Lejourdavant

    2 Lejourdavant Le 11/11/2024

    Une fin probablement terrible pour Augustin dans les murs de cet asile...
    Petite question : quelle est l'IA qui a permis de générer cette photo ?
    edechamps

    edechamps Le 11/11/2024

    Oui, terrible mais on ne le saura jamais ... Pour la photo, je me suis servie de Canva version pro.

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