Un arbre en Lozère ... et ailleurs

Estaing

Le 06/11/2024 1

Dans La Lozère

Estaing et son château ...
La tentation est grande de parler des actuels propriétaires, la famille Giscard d'Estaing, mais non !
C'est de Marianne Fages, révérende Mère Sainte-Usule, malénaise d'origine (encore !) qui fut la fondatrice de la congrégation des religieuses de St Joseph d'Estaing dont nous allons parler ici.

Qui était Marianne Fages ?

Dans une des familles Fages de ma base de données, je voudrai Marianne (ou Marie-Anne). 56 occurences en réponse dont certaines font partie de mes sosas.

La Marianne qui nous intéresse fait partie de la famille Fages des Monts, paroisse de la Malène. Fille unique de Luc Fages et Marie-Rose Caplat, elle est née le 5 janvier 1803, cinq ans avant le mariage de ses parents qui la reconnaissent et la déclarent à cette occasion.

Son père Luc était le dernier d'une fratrie de dix. Né en 1770, il avait un peu plus de 20 ans lorsque ses deux frères ainés, Pierre-Jean et Jean-Baptiste, surnommé l'abbé des Monts, furent exécutés par le tribunal révolutionnaire.
Dans la famille de Marie-Rose, sa mère, c'est le père Jacques Caplat et l'oncle Pierre Caplat, les victimes de la fureur révolutionnaire.

Voir l'article Les martyrs de la Malène (Episode 1 : l'arrestation) et suivants

Marianne se destine très tôt à devenir religieuse. Elle fut placée après la révolution en pension à Mende avec ses trois cousines (Marie, Marguerite et Jeanne, filles de Pierre-Jean). De retour aux Monts, elles fondèrent une sorte de petite communauté, baptisée "le Couvent des Monts". Vers 1836, le curé de Séverac le Château leur demanda de bien vouloir se charger de l'école des filles de sa paroisse. Les demoiselles Fages acceptèrent et embrassèrent la règle des soeurs de St-Joseph. Cette congrégation naissante se trouva bientôt en butte à de nombreuses difficultés et se désagrégea. Les cousines repartirent aux Monts et Marianne, désormais soeur St-Ursule se dirigea vers Estaing, appelée par le curé Lhiaubet pour diriger l'école des filles.

Je laisse pour la suite de l'histoire la parole à l'abbé Foulquier, qui a retracé l'histoire de Marianne Fages et retranscrit son éloge funèbre.

 

Marianne Fages, fille de Luc Fages et de Rose Caplat, naquit à la Malène le 5 janvier 1803. Par sa mère, elle était la petite-fille de Jacques Caplat, et par son père, la nièce du martyr Pierre-Jean Fages des Monts. C'était une femme de tête et de coeur. Nommée directrice de la petite communauté d'Estaing en 1836, elle fit montre de tels talents que cette congrégation naissante ne voulut jamais avoir d'autre supérieure qu'elle.
Il est de fait qu'après l'avoir fondée elle la gouverna sagement et très heureusement jusqu'à son décès, arrivé le lundi 30 novembre 1896, à 5 heures du matin. Ses funérailles eurent lieu le mercredi avec le concours d'un nombreux clergé et de toute la population d'Estaing. M. le curé de la paroisse, l'abbé Glandières, fit paraitre à cette occasion, dans la Revue religieuse du diocèse, numéro du 4 décembre 1896, un article très élogieux sur la vie et les oeuvres de la défunte. Cet article qu'on a bien voulu nous communiquer, a sa place ici. En le reproduisant, nous ferons mieux connaitre que par tout ce que nous pourrions en dire, la précieuse existence qui nous intéresse. Voici le document dans toute sa teneur :

"Une bien précieuse existence vient de s'éteindre et la Congrégation des soeurs de St Joseph d'Estaing se trouve plongée dans la tristesse. Très Révérende Mère Ursule, fondatrice et première Supérieure de cette maison n'est plus ! L'heure de la récompense a sonné pour elle ; sa mission était accomplie. La mort d'ordinaire si peu respectueuse, ne l'a pourtant rencontrée sur le chemin de la vie que dans la 93e année de son âge, après 80 ans de vie religieuse et plus d'un demi-siècle passé au milieu de nous. C'est sans trouble que Révérende Mère Ursule l'a vu s'approcher et doucement elle s'est endormie dans le Seigneur. Son trépas, pieux et recueilli comme toute sa vie, n'a donc pas été accompagné de ces cruelles angoisses qui rendent si tristes les derniers moments.
Autour de sa dépouille exposée en chapelle ardente dans cette pièce du château où, d'après la tradition, St Fleuret aurait rendu le dernier soupir, une foule pieusement respectueuse n'a cessé d'aller prier. Ses funérailles, célébrées au milieu d'un nombreux clergé et pour lesquelles ici, on peut le dire, tout le monde s'est spontanément présenté afin de les voir plus dignes d'une si insigne bienfaitrice ont témoigné hautement de quelle  légitime popularité elle jouissait au milieu de nous comme aussi de quelle profonde vénération elle avait mérité par ses vertus d'y être entourée.
S'il pouvait suffire de tracer rapidement le portrait de cette femme d'élite, nous dirions que sous des dehors modestes elle cachait les plus précieuses qualités. Esprit droit et pratique ; coeur aimant et dévoué jusqu'au sacrifice ; activité vraiment prodigieuse et qui n'a su se lasser même au déclin de sa vie ; zèle réglé par la prudence ; grand esprit de foi se traduisant par les actes ...
Voici certes des droits acquis pour occuper un bon rang dans le cercle de ces existences qui ne devraient jamais être tributaires de l'oubli. Mais notre tâche ne serait nullement remplie.
Aussi bien, jeter quelques fleurs sur cette tombe sera céder moins encore à un sentiment de respectueuse et personnelle reconnaissance qu'à un sentiement de justice en présence du vrai mérite. Nous sommes certains du reste de nous faire aussi l'écho bien qu'affaibli de toute personne ayant pu connaitre et aprécier celle que nous pleurons. Qu'il nous soit donc permis de remonter le cours d'une si belle existence.
Marianne Fages, en religion soeur Marie-Ursule eut l'avantage de naitre à l'aurore du siècle dernier, d'une famille lozérienne et de tous points bien recommandable. Elle comptait plusieurs de ces ancêtres parmi les glorieux martyrs des fureurs révolutionnaires à la Malène, diocèse de Mende. Elle était encore enfant lorsque le couvent de Séverac le Château lui ouvrit ses portes. A peine avait-elle atteint sa 16e année qu'elle prenait le voile et commençait son noviciat. Elle allait ainsi à J-C pure, pieuse, innocente, toute brulante de désir de l'aimer et de le servir ici-bas.
En 1836, suivie de quelques compagnes, elle se rendait à Estaing avec l'espoir de faire quelque bien au milieu des enfants de la paroisse dont on allait lui confier l'éducation. Mais bientôt, comme elle avait au coeur tout le dévouement nécessaire pour mener à bonne fin une entreprise difficile, secondée d'ailleurs qu'elle devait être par un auxiliaire alors bien puissant, M. l'abbé Lhiaubet de si vénérée mémoire, elle résolut de faire le berceau d'une Communauté religieuse de ce qui fut le berceau de la très illustre famille des Estaing. Quel plus noble emploi de la fortune qu'elle tenait des siens et dont elle pouvait disposer déjà ! Quel plus noble champ à l'activité de son zèle !
Mais pour atteindre ce but, l'acquisition de l'entier château devenait indispensable. Or, ici se dressait une bien grande difficulté. Après la mort du dernier survivant de la famille des Estaing, ce château ayant trop d'importance pour être acquis par un seul n'apparaissait à l'arrivée de Mère Ursule que comme un riche et vaste domaine que l'on s'était vu obligé de diviser en lots et de vendre en parcelles. Ici, dans l'antique château, s'était établi un débit de boissons et liqueurs ; là, s'exerçait une bien pauvre industrie ; une chambre abritait un vieillard ; tout à côté une plus vaste pièce servait de logis à une nombreuse famille d'indigents, etc. Force fut donc de s'ingénier pour éloigner successivement chacun de ces multiples petits propriétaires qui s'y étaient implantés.
Si elle y réussit, Dieu seul pourrait dire au prix de quels prodiges de diligence et de sage économie. Elle devait aboutir car en toutes circonstances, et il s'en est rencontré de biens pénibles, dans le cours d'une vie presque séculaire, rien n'égalait sa confiance en Dieu.
Cette importante acquisition fut déjà une bonne fortune pour notre petite ville et pour le château. Que serait, en effet, devenue la monumentale demeure dont nous sommes ici si justement fiers ! Si elle n'avait été entretenue comme il convenait. Nos regards seraient attristés aujourd'hui par l'aspect de quelques vieux pans de murs isolés, grimaçants et des monceaux de ruines.
L'oeuvre entreprise était bénie du ciel ; tout semblait le proclamer. Aussi, elle ne tarda pas à entrer en pleine floraison. A l'heure actuelle, de nombreuses maisons d'éducation, des pensionnats, des hospices, des salles d'asile dans le diocèse de Rodez, de Nice, de Toulouse et surtout la fondation d'une importance exceptionnelle faite à Nice pourraient, si besoin était, témoigner du savoir religieux et de l'abnégation des bonnes soeurs ainsi formées et l'oeil vigilant de Mère Ste Ursule.
Hâtons-nous d'ajouter maintenant que la petite ville d'Estaing ne doit pas seulement à sa bienfaitrice la conservation du château et la naissance d'une maison religieuse, mais aussi de nombreuses vocations que son oeuvre a suscité parmi les jeunes filles de la paroisse, la création d'une salle d'asile à peu près gratuite, la direction et le service absolument gratuits de notre modeste hospice.
Ce n'est pas encore là tout le rayonnement de son zèle et le seul témoignage de l'affectueux intérêt qui semblait lui commander la constante sympathie dont elle se voyait l'objet à Estaing. Qui pourrait dire, en effet, toutes les infortunes qu'elle a secourues, les conseils donnés à propos et avec tant de sagesse, les difficultés aplanies, même dans les ménages, par une parole conciliante toujours et souvent accompagnée de généreuses avances, enfin les soins et les soulagements prodigués à domicile aux malades et aux infirmes par les soeurs qu'elle a constamment chargées de cette mission toute de dévouement et entièrement désintéressée !
Ah ! si ce n'était les limites du cadre que nous nous sommes tracé, nous pourrions dire ici les trésors de délicatesse et la bonté que Mère Ursule nous révéla un jour quand, sans témoins, elle nous communiquait tel projet médité avec un coeur toujours ouvert aux généreuses aspirations. Elle se plaisait à espérer que sa réalisation serait de nature à dissiper les ennuis causés à la paroisse et au Pasteur dans de forts pénibles conjonctures. Pour la première fois de sa vie, elle n'aurait pas reculé devant les sacrifices, et les sacrifices se seraient imposés certainement si nous avions cru devoir souscrire à ses charitables desseins.
Et maintenant, que pouvait bien être cette femme de tête et de coeur au sein d'une communauté où tout portait comme l'empreinte de son action douce et ferme en même temps ? On l'a déjà pressenti. Un tact exquis et un rare sens droit, un mélange de fermeté et de réelle bonté et tout cela rehaussé par l'exemple des vertus qu'elle croyait souvent ne pratiquer que sous le seul regard de Dieu, donnaient à son autorité un incontestable prestige. Aussi nous paraissait-elle exercer au milieu de son pieux et nombreux entourage comme une sorte de royauté ; et les bonnes soeurs semblaient témoigner à l'envi combien elles s'estimaient heureuses de vivre sous un sceptre qui trahissait le coeur d'une bonne mère. Nous disons bonne Mère, car ce n'était pas seulement d'une auréole de profonde vénération, mais aussi de sincère sympathie que la Supérieure Générale était entourée. Révérende Mère Ursule chérissait d'ailleurs tout spécialement ses chères filles. Dans ces dernières années surtout, elle éprouvait le besoin de nous dire que cette affection semblait redoubler avec l'âge. Elle s'exprimait un jour à cet égard avec l'éloquence des larmes lorsque M. le Supérieur de la Congrégation lui enjoignait très expréssement de n'aller plus désormais visiter, vu son grand-âge, les maisons de son ordre.
Toute éplorée, la bonne Mère se permit de répondre néanmoins avec un accent de parfaite soumission : "Il me serait cependant bien doux d'aller visiter, une fois encore, avant de mourir, mes filles si éloignées de moi." C'était encore avec larmes qu'elle me faisait part de toutes ses anxiétés lorsqu'elle pensait à celles de ses chères filles qui, étant comme perdues loin d'elle, pouvaient se trouver à chaque instant aux prises avec les mille difficultés et ennuis d'une situation rendue exceptionnellement épineuse par les nouvelles lois scolaires dont il fallait subir la rigueur.
Telle a été Mère ursule. Elle nous quitte après une longue vie bien remplie ; mais ses oeuvres nous restent, et c'est à ces oeuvres incontestablement que doivent se rapporter les paroles de la Sagesse : Bonorum operum est fructus gloriosus.
Maintenant sa dépouille mortelle repose dans notre cimetière à côté de celles de ses Soeurs qui l'avaient secondée dans ses labeurs, tandis que son âme est allée les rejoindre au Ciel. Avant que cette tombe se fermât pour toujours, M. le maire d'Estaing, à la tête du Conseil municipal, a rendu en excellents termes, en son nom et au nom de la commune dont il se faisait l'organe, un suprême et public hommage à notre bienfaitrice.
Sur cette tombe a été déposée une grande et belle couronne, hommage de la ville d'Estaing à sa bienfaitrice.
Exprimons en terminant le regret bien senti de n'avoir mieux dépeint aux yeux de tous cette forte et sereine physionomie. On ne peut du reste en quelques lignes retracer une telle existence : ce sera là notre excuse. " Signé : Béranger Glandières, vicaire forain.

Marianne Fages et nous

Plusieurs chemins (plusieurs ancêtres communs) relient notre famille à celle de Marianne Fages. En voici un, avec encore une fois un Monginoux à l'origine (clic sur l'image pour l'agrandir)

Arbre boulet fages

La congrégation des religieuses de St Joseph d'Estaing - Repères historiques

Le château d'Estaing a été le siège de la Congrégation des Religieuses de St Joseph de 1836 à 1963. Les sœurs ont été propriétaires du château d'Estaing jusqu'en l'an 2000.

Après la Révolution, le château vendu comme bien national, fut racheté par Mme de Boisseulh, sœur de l'amiral d'Estaing, en 1802. Elle le vendit à un habitant d'Estaing appelé Martin en 1804. Ce dernier en vendit des parties à 14 propriétaires.

Le 12 octobre 1836, arrivent de Séverac le Château, 4 religieuses de St Joseph: sœur Sainte Ursule (Marie-Anne FAGES), sœur Saint Privat, sœur Ste Thérèse, sœur Fébronie. Les religieuses furent appelées par le Curé LHIAUBET, curé d'Estaing, afin d'ouvrir une école pour l'éducation des jeunes filles de la paroisse.

Le petit groupe de religieuses, à leur tête sœur Ste Ursule, qui est âgée de 36 ans, s'installe dans une partie du château cohabitant avec les différents propriétaires du château.

Peu à peu, l'école s'agrandit, les locaux deviennent insuffisants, sœur Ste Ursule fait les réparations nécessaires et entrevoit l'achat progressif du château.

En 1837, la petite Communauté se sépare de la Maison de Séverac le Château et devient, malgré la séparation douloureuse avec les sœurs de Séverac, une congrégation autonome qui va accueillir sans tarder des jeunes femmes afin de devenir religieuses ; décret épiscopal du 20 mars 1837.

La Communauté s'agrandit rapidement et dès 1841, elle ouvre des écoles ou dispensaires à travers le département de l'Aveyron. La mission de la congrégation s’est orienté surtout vers l’éducation des enfants et des jeunes et le soin des malades.(Hospitalières et Enseignantes)

Petit à petit, mère Ste Ursule et ses sœurs rachètent le château aux divers propriétaires et cela durant plus de 40 ans de 1836 à 1879.

Mère Ste Ursule mourra à l age de 96 ans le 30 novembre 1896.

Le château devient un couvent où des jeunes femmes font l'apprentissage de la vie religieuse (postulat, noviciat, premiers vœux, vœux perpétuels) puis elles sont envoyées dans divers lieux d'implantation de la Congrégation.

Durant environ 150 ans, c'est près de 500 femmes qui viendront se former à la vie religieuse dans le château-couvent !

Avec le couvent se développe dans le château: école, asile, pensionnat, cours ménager, ceci durant de nombreuses années. La chapelle de "style nouveau" sera construite en 1928.

En 1860, à l'appel d'un Inspecteur d'Académie, Mr Constant, d'origine aveyronnaise, parent de l'abbé Magne, curé de St Géniez des Ers, ami et protecteur des sœurs d'Estaing, demande à Mère Ste Ursule d'envoyer dans les Alpes Maritimes, des religieuses pour ouvrir écoles et dispensaires à Isola, St Etienne de Tinée, Péone, St Martin de Vésubie, Guillaumes, Saorge, Roquebillière et en 1865 à Nice, rue Barla, un établissement scolaire réputé.

Le château d'Estaing, maison-mère des sœurs de St Joseph, fut le centre d'une Congrégation florissante. Peu à peu, déjà entre les 2 guerres, le recrutement se fit plus rare et dès 1959, les sœurs orientèrent la Congrégation vers l'union avec les sœurs de St Joseph de l'Aveyron, Millau, Salles la Source, Marcillac, Villecomtal, Clairvaux.

Ce regroupement prit le nom de "Union des Sœurs de St Joseph". C'est à Rodez, rue Jean XXIII, que s'est implantée, dès 1965, la Maison Mère. Aujourd hui institut des sœurs de St Joseph maison générale St Peray Ardèche ;

Les religieuses de St Joseph (de l'Union St Joseph) ont habité le château jusqu'en 2000. Elles l'ont vendu à la commune d'Estaing. La commune l'a vendu à la S.C.I. Giscard d'Estaing en 2005.

Le château, qui fait l'honneur et la gloire des habitants d'Estaing et de ses propriétaires, doit à ces humbles et discrètes femmes, un bel hommage. "Sans leur intervention, le château serait aujourd'hui en ruine et on leur doit la sauvegarde de ce patrimoine exceptionnel, qui plonge au plus profond de la mémoire collective des habitants d'Estaing" Cf: Estaing mon village de Benjamin

SABRIE Père Pierre Pradalier – printemps 2016

Sources

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