Assassinat - Le Causse Méjean a été le 19 juin le théatre d'un terrible assassinat. M. Veygalier Casimir, âgé de 45 ans, domicilié à Fraissinet de Fourques s'était rendu ce jour-là au Villaret d'Hures où il possédait un petit domaine, pour y prendre un voyage de pommes de terres qu'il se proposait de vendre le dimanche sur la place de Fraissinet. A cause des accidents de la route, il avait emmené sur sa charrette attelée d'un mulet, 4 des sacs qui devait constituer le voyage jusqu'au haut d'une côte non loin de la ferme d'Aures où il les avait déposés et, il revenait vers 7 heures du soir sur le Villaret avec sa charrette vide prendre là les 4 autres sacs. Arrivé presque à destination, il fut attaqué par des agresseurs contre qui il lui fut impossible de se défendre, et, dans une lutte où son action fut à peu près nulle, il eut la tête complètement mutilée à coup de cailloux. Les malheureux ont mis le corps de la victime sur la charrette et l'ont ramené jusqu'à l'endroit où il avait déposé ses pommes de terre ; là, ils l'ont descendu, ont placé les 4 sacs sur la charrette et ont couché dessus le cadavre déjà raide, les pieds en avant du brancard, la tête en arrière avec la face reposant sur le bras droit dans la position d'un homme endormi ; ils ont ensuite coupé la guide d'un côté et ont laissé là leur victime.
Le mulet, ne recevant plas les ordres de son maitre, n'avança pas plus loin et l'attelage fut trouvé dans la même position le dimanche matin par un laitier nommé Puel qui se rendait à Hures. A la vue de Veygalier dont la tête était complètement mutilée et que les misérables avaient enveloppée dans sa blouse baignée de sang, il présuma l'horrible vérité et courut en hâte à Meyrueis afin de prévenir les gendarmes. Ceux-ci firent diligence vers l'endroit que leur indiquait le laitier et, après s'être assurés qu'il y avait bien présomption d'assassinat informèrent immédiatement le Juge de paix qui se transporta aussitôt sur les lieux accompagné du docteur Cambon afin de procéder aux constatations légales. Le docteur constata en effet que le meurtre n'était pas douteux et, ces Messieurs étaient là depuis une heure environ, lorsqu'arriva le Parquet de Florac accompagné du médecin légiste, que le Juge de paix avait prévenu par télégramme avant son départ de Meyrueis.
Par ordre du Parquet la dépouille du malheureux Veygalier est aussitôt transportée à la ferme du Perjuret à l'extrémité du plateau où les deux Docteurs procèdent à l'autopsie.
La population très paisible du canton de Meyrueis était consternée d'un pareil évènement dont les auteurs, tout le laissait supposer ne pouvaient être que des habitants du pays, ce qui est plus navrant encore.
On n'a pas tardé d'ailleurs à s'en asurer : le lundi matin, à la première heure le Juge de paix Rampon se transportait au Villaret et allait surprendre à leur levé les voisins de propriété de Veygalier ; il a perquisitionné les habitations, interrogé les habitants et recherché si minutieusement tout ce qui pouvait le mettre sur la piste des coupables, qu'il a quitté le Causse vers 6 heures du soir pour revenir à Meyrueis convaincu d'avoir découvert les deux assassins de Veygalier. Il a pu ainsi, rassurer la population très anxieuse, lui laissant espérer que les arrestations étaient imminentes. MM. le Juge d'instruction et le Procureur de la République ont pu se rendre sur le Causse le mardi matin et mettre la main sur les coupables à qui ils ont arraché des aveux. Ces deux bandits qui causaient déjà la terreur du voisinage : l'un Boussuge du Villaret par sa ruse et sa mauvaise foi, l'autre Bonnal de la Bégude Blanche par sa férocité de lion et qui étaient deux voisins de propriété de Veygalier ont été enchainés par les gendarmes se trouvant sur les lieux et, emmenés à Meyrueis où leur arrivée fut acclamée par les cris de "A mort ! A Cayenne !"
Incarcérés le lendemain dans la prison de Florac, ils attendent là l'arrêt de la Caour d'assises qui osons espérer sera sévère.