Nous voici maintenant à Pierreval ce fameux été 1824. Joséphine et son frère ont 23 ans, leur soeur ainée Catherine a 35 ans et n'est toujours pas mariée. Tout ce petit monde vit pauvrement chez les parents, toujours de ce monde mais qui commencent à prendre de l'âge. Les deux jumeaux sont journaliers certainement dans les environs et sont peut-être les seuls à pourvoir à l'entretien de la famille.
Joséphine a-t-elle été mise enceinte par un patron abusif ? Est-elle tombée amoureuse d'un beau parleur qui sera parti en courant à l'annonce de la grossesse ?
A cette époque, la société est très dure pour les "filles-mères". L'article 340 du code Napoléon pose l’interdiction de la recherche en paternité, avec une seule exception, celle de l’enlèvement, auquel le viol est assimilé. En pratique, si une femme a un enfant hors mariage, et qu’elle a été victime d’un enlèvement au moment présumé de la conception, on considère que le violeur est le père, alors que, dans tous les autres cas, la femme qui a un enfant sans être mariée est réputée l’avoir seule. De plus, l'article 317 du Code pénal de 1810 punit de prison toute tentative d'avortement. Ces pauvres filles étaient souvent contraintes à abandonner leurs enfants, étaient jugées, salies et montrées du doigt. Le déshonneur rejaillissait également sur la famille élargie, et c'était une chance si elles n'étaient pas jetées à la rue, renvoyées de leur foyer et de leur emploi.
Ce ne fut pas le cas de Joséphine. Elle accoucha le 24 janvier 1825 d'un petit garçon prénommé Pierre Adolphe. Il fut déclaré en mairie par son grand-père Romain Nicolas. Les témoins étaient son oncle Pierre Patrice et un domestique du village Louis Désiré Mouquet âgé de 43 ans.
On remarque en passant que les deux Michel, père et fils, signaient leur nom. Par contre Joséphine ne savait ni lire, ni écrire.