A mille mètres d’altitude, là où se trouvait notre Causse Méjean, vous vous figurez que l’hiver, nous savions bien ce qu’était la neige. Il n’était pas rare de trouver le matin un matelas d’une bonne épaisseur. Et pourtant nous ne manquions pas souvent l’école, car tous ceux de la Borie étaient à 400 mètres de l’école de la Parade.
Si cela en valait la peine, le père Gély attelait sa paire de bœufs et ouvrait le chemin en tirant un gros morceau de tronc d’orme qui avait la forme d’un Y. Ceci tassait un peu la neige sur les côtés et nous terminions d’ouvrir le chemin en le piétinant. Le chemin tracé était toujours le même : il passait devant la maison des Reversat, devant l’école, puis le restaurant de Mme Arnal, devenu depuis celui de sa fille Mme Vernhet, et puis revenait à la maison.
En ce temps-là nous étions solidement chaussés de chaussures montantes, ferrés avec des crampons, des grosses ferrures que le père faisait lui-même. Elles avaient une tige de cuir montante, souvent récupérée d’une vieille paire de chaussures de travail. Et moi, j’avais hérité des molletières de guerre de mon père, et vous pensez bien qu’avec cela, j’étais bien équipé !
Il le fallait bien parce que, nous autres drôles, nous ne pouvions pas nous empêcher de sortir du chemin bien pratique où restaient sagement les filles. On prenait plaisir à aller là où la neige était la plus profonde et on jouait à celui qui laisserait la plus jolie trace.
Quand je rentrais les pieds tout trempés, je savais bien ce qui m’attendait. Mais cela ne m’a jamais empêché de recommencer.