Je n’avais pas encore beaucoup étudié la physique. Pourtant j’avais déjà remarqué que la pierre de ma fronde restait dans sa poche de cuir quand je la faisais tourner.
J’ai voulu essayer de mettre cela en application.
A la fin de la grand-messe, il y avait l’exposition et la bénédiction du Saint Sacrement. Comme on n’avait pas de charbon chimique comme aujourd’hui, le premier clerc prenait l’encensoir et partait au presbytère chercher du feu. La servante fouillait dans son âtre et avec les pincettes me garnissait encensoir de deux ou trois braises. Le temps d’avaler un bonbon et hop ! J’étais reparti à l’église.
Derrière le curé qui disparaissait jusqu’aux oreilles dans sa lourde chasuble rouge, j’avais pour mission de tenir et balancer l’encensoir pour garder les braises bien rouges. Les mouvements prenaient de plus en plus d’ampleur et il s’en fallait de peu pour faire le tour complet … Pourquoi ne pas essayer ?
Un peu plus d’élan et hop ! un tour ! deux tours ! trois tours ! Expérience réussie et concluante. On peut le faire. Il s’agit juste d’être un peu habile et dégourdi, comme moi ! Et j’étais très fier, on peut le dire. J’étais sûr que toute la paroisse serait en admiration devant moi ! Et les filles surtout !
Sur les bancs, deux hommes n’avaient rien perdu de mon manège, deux amis qui ne se quittaient jamais sans aller ensemble boire un verre à l’auberge. A la fin de la messe, j’allai rejoindre Bissières du Bedos, mais le père me dit :
- Aujourd’hui, tu n’as pas besoin de venir gouter dans mon verre. Tu as déjà trop bu. J’ai vu que ton encensoir faisait des cercles !
J’ai été forcé d’arrêter ici mes expérimentations sur la force centrifuge. Certainement que la science en a pâti !