A côté du moulin à vent, il y avait un poste intéressant pour y attendre le lièvre que Flambel nous poussait depuis la combe d’Aumières.
Ce matin-là, le père m’avait emmené à la chasse au lièvre, fait exceptionnel : il trouvait que je faisais trop de bruit. Mais il m’avait bien averti : « Si tu fais un pet de trop, tu sais que je te prendrai plus. » En disant cela, ses yeux bleus étaient incandescents comme de la braise.
Le brouillard épaississait, peu à peu, noyant tout dans son blanc linceul, à peine voyait-on la vieille tour du moulin ; on n’entendait plus notre chien. Tout d’un coup, le père me dit à voix haute : « Il y a une femme ou un curé… Pour notre lièvre, c’est raté ! »
Et effectivement, une femme émergea de la brume et vint vers nous. Tout en parlant, en se plaignant (pleurnichant) de la peur qu’elle avait eue : « C’est vous le forgeron ! Mon Dieu ! Je venais de Nabrigas et voulais aller à Caussignac. J’ai voulu prendre un raccourci, et avec tout le brouillard qui est tombé, je me suis complètement perdue. Cela fait une heure que je tourne autour de ce moulin, comme une brebis têtue. »
Le père nous conduisit jusqu’à une draille.
- Tu vas accompagner cette dame jusqu’au grand virage de la route, de là, elle partira sur Aumières et toi, tu rentreras à la maison.
Quand le chasseur fut rentré, sans lièvre pour le coup, il demanda :
- L’Armand est rentré ?
- Bien sûr ! Je suis là ! La femme était tellement contente, tu sais, qu’elle m’a embrassé, et puis elle m’a donné une pièce de quarante sous !
La maman m’avait un peu grondé quand je lui avais montré ma jolie pièce. Le père, lui, me dit en riant :
- Tu as le choix entre deux solutions : ou tu la mets dans ta tirelire, ou alors tu la rapportes à Caussignac.
Ne me demandez pas ce que fut mon choix !